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regarda vers l’orient, et vit une étoile au-dessus de sa tête ; le ciel s’ouvrit, une grande lumière apparut. Asseneth tomba de frayeur sur le pavé de marbre de sa chambre, et elle vit un homme qui descendait du ciel et se plaça près d’elle en l’appelant par son nom. Elle répondit : — Me voilà, sire, qui êtes-vous? — Et l’homme lui dit : — Je suis prince de la maison de Dieu et soldat de sa milice : relève-toi, et je te parlerai. — Asseneth se releva, s’habilla en toute hâte et revint près de l’ange, qui lui dit : — Réjouis-toi, Asseneth, car ton nom est écrit au livre des vivans, et n’en sera jamais effacé. Tu mangeras le pain de bénédiction, tu boiras le breuvage incorruptible, tu seras l’ointe du Seigneur. Je te donne pour épouse à Joseph, et ton nom sera un nom de grande puissance, parce que ta pénitence a prié pour toi le Très-Haut, dont elle est fille. — Elle demanda à l’ange quel était son nom, et l’ange lui dit : — Mon nom a été écrit par le doigt de Dieu dans le livre de vie, et ce qui est écrit dans ce livre ne doit pas être révélé aux filles des hommes. — Puisque tu veux bien me pardonner, dit Asseneth, assieds-toi sur ce lit où jamais homme ne s’est assis, et je dresserai la table. — Elle mit une nappe toute neuve, et apporta un pain frais qui exhalait la plus douce odeur. — Donne-moi un rayon de miel, dit l’ange. — Mais Asseneth n’avait point de miel, et elle en était toute désolée; l’ange lui dit : — Entre dans ton cellier, tu en trouveras sur la table. — Elle entra dans le cellier, et elle en rapporta du miel blanc comme la neige, très pur et de suave odeur. Alors elle dit à l’ange : — Sire, je n’avais pas de miel, tu as parlé, et le miel s’est fait, et son parfum est doux comme le parfum de ton haleine. — L’ange sourit, et posant la main sur la tête d’Asseneth : — Sois bénie, dit-il, puisque tu as renoncé aux idoles et cru au Dieu vivant. Ceux qui viennent à lui mangeront de ce miel que les mouches du paradis cueillent sur les roses éternelles, et ils ne mourront jamais... Il toucha le rayon de miel en croix, et là où il posa son doigt il fit jaillir du sang, Asseneth vit alors sortir du miel des mouches d’une éclatante blancheur, et d’autres vermeilles comme des jacinthes : elles voltigèrent autour d’elle, et pétrirent leur miel dans le creux de sa main. — Mouches, dit l’ange, retournez dans votre demeure. — Elles s’envolèrent du côté du Levant, vers le paradis, et l’ange s’envola comme elles. » Peu de temps après, Joseph, monté sur un char d’or attelé de chevaux blancs, vint demander en mariage la fille de Putiphar; celle-ci, réconciliée avec le ciel et les hommes, lui donna sa main, et pendant huit jours l’Egypte fut en fêtes.

Telle est, déflorée par la sécheresse inévitable de l’analyse, cette nouvelle que M. Saint-Marc Girardin regardait comme l’une des plus originales et des plus poétiques de toutes celles que nous a léguées