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Charles-Quint, de Frédéric Barberousse, de Dioclétien, de Pierre le Grand, de Gustave Wasa et même d’Aureng-Zeb et de Thamas-Kouli-Khan. D’ailleurs est-ce qu’on a la prétention de proscrire les rois de l’éducation ? Ce serait une idée comique et d’une exécution difficile. Quand même on abolirait le discours, l’élève de rhétorique n’éviterait pas pour cela le commerce, qu’on juge si périlleux pour lui, des têtes couronnées; il les retrouverait dans ses leçons d’histoire, dans les tragédies qu’il traduit du grec, de l’anglais ou de l’allemand, et jusqu’à l’Opéra où on le conduit quelquefois le dimanche. En vérité, des objections pareilles sont à peine sérieuses.


III.

Supposons le discours retranché de nos exercices scolaires; que propose-t-on de lui substituer? Huit ou dix genres de composition, que le bon sens commande d’admettre à titre accessoire et pour la variété de l’enseignement, mais dont pas un, s’il usurpait le rôle principal, n’offrirait les avantages et les facilités du discours. Il y a d’abord la fable. L’amitié naturelle qui existe entre l’enfance et les animaux y prépare assez bien de jeunes écoliers; ils y déploieront une certaine grâce naïve et une certaine agilité d’invention qui sont le charme de leur âge. Le malheur est qu’à la cinquième ou à la sixième fable, n’ayant pas le génie de La Fontaine dans un genre ingénu qui ne se soutient que par la diversité exquise des détails et de la diction, ils tomberont vite dans la puérilité et le baroque. Il y a le parallèle, le portrait et le jugement historiques. Cet exercice utile est impliqué dans nos classes d’histoire; sous le régime du plan d’études de 1852, il était devenu habituel et obligatoire. Ce fut une des idées spécieuses de M. Fortoul de faire « des compositions historiques, » un véritable exercice littéraire qui commençait dès la quatrième et se continuait jusqu’en rhétorique. L’essai n’a guère réussi; ces sortes de devoirs péchaient presque toujours également par défaut de substance et par défaut d’agrément. L’expérience a ainsi établi qu’il est beaucoup plus difficile à un élève de troisième de tracer le portrait d’un homme illustre qu’à un élève de rhétorique de composer ses discours. Il y a la narration et la description. Tantôt c’est quelque narration célèbre tirée d’un historien classique, qu’on lit aux élèves, et qu’on les invite à reproduire. Tantôt c’est une narration familière dont on leur esquisse le cadre, afin qu’ils aient à le remplir.

Le premier de ces deux exercices, trop souvent renouvelé, dégénère en simple effort de mémoire, ou bien ce n’est plus que la lutte impertinente et stérile de l’inexpérience avec un chef-d’œuvre qu’elle prétend égaler. Le second n’a pas un très vaste domaine.