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piègne, et son ambassadeur à Copenhague, Deshayes, a décidé secrètement Christian IV à préparer la guerre contre l’empereur. La Valteline est le point que choisit Richelieu pour y exécuter le premier acte à main armée de sa politique. Depuis le traité conclu le 29 avril 1621 entre Bassompierre et Philippe IV, le pape Urbain VIII occupe les quatre forteresses de ce pays. Serviteur dévoué de la maison d’Autriche, il ne remplit guère d’autre rôle en Valteline que celui de gardien des routes de montagne qui mettent en communication directe les possessions italiennes de la branche espagnole et les états héréditaires de la branche allemande. À plusieurs reprises le gouvernement français s’est plaint de l’attitude du pape, sans rien obtenir. Richelieu prend enfin le parti de déclarer les hostilités, et il écrit à notre ambassadeur à Rome le fameux billet : « Le roi a changé de conseil, et le ministère de maxime ; on enverra une armée dans la Valteline qui rendra le pape moins incertain et les Espagnols plus traitables. » C’est toute la politique inaugurée par cette briève déclaration dont l’écolier aura à exposer le plan et à calculer les résultats probables en écrivant au marquis de Cœuvres sous le nom de Richelieu. Nos contradicteurs s’écrieront là-dessus : « Quel homme d’état que cet écolier ! De quelle profondeur dans les conceptions ne sera-t-il pas enclin à se vanter après la débauche de haute politique où vous conviez son inexpérience ! Nierez-vous pour le coup que vous formiez au collège des déclamateurs ! » Étrange illusion de ceux qui parlent ainsi ! ils ne voient pas que c’est eux qui se laissent emporter par la rhétorique au lieu de raisonner. Comment la somme de faits positifs dont le sujet que nous venons d’esquisser en traits rapides implique le maniement serait-elle compatible avec la déclamation ! Il y a dans la politique, comme dans les sciences historiques, comme dans les sciences naturelles, deux classes bien différentes de notions et de doctrines : les faits irrévocablement acquis et les phénomènes à l’étude, — les lois dès longtemps découvertes et contrôlées et les théories qui sont encore à l’état de postulatum. La première classe de doctrines et de notions appartient sans conteste à l’enseignement ; elle est, sous la direction d’un bon maître, matière utile et légitime d’étude pour la jeunesse, ni plus ni moins que la théorie de la circulation du sang ou la description physique de la terre. C’est seulement le reste, c’est la politique en action, celle qui se fait en ce moment même, qu’il serait puéril et funeste de transporter au collège, et qui ne serait propre qu’à former des amplificateurs fanfarons et des politiciens déclassés. Décider quelles lois il faut établir aujourd’hui dans la république et quelles vues il faut faire prévaloir au dehors, calculer sans erreur quelles seront demain les conséquences de ce qu’on fera aujourd’hui, — voilà le métier propre de l’homme d’état, voilà ce qui exige