combattre, ils ignoraient complètement la somme de résistance que leurs propres troupes pouvaient lui opposer. Church, au temps où nous faisions la guerre dans les îles ioniennes, avait commandé un de ces bataillons grecs dans lesquels servaient, avec Colocotroni, des Souliotes et des klephtes ; Cochrane l’avait désigné pour généralissime, et les choix de Cochrane étaient invariablement ratifiés par la Grèce. Débarqué à Hydra le 17 mars 1827, le célèbre lord prêtait le 10 avril serment devant l’assemblée de Trézène ; le 15, le général Church était investi du commandement suprême des armées helléniques. Une nouvelle phase s’ouvrait dans le siège d’Athènes. Accourus à Égine, à Salamine, à Phalère, nos commandans vont nous la raconter.
Dès les premiers jours de l’année 1827, ces observateurs attentifs sont à leur poste. Ceux qui ne sont pas dans les eaux d’Athènes sont dans celles de Navarin ou d’Alexandrie. On surveille ainsi les deux camps. Grâce aux vedettes qu’il a partout posées, l’amiral est certain que rien d’important n’aura lieu qu’il n’en soit le premier instruit. Pour l’étude de cette période, les rapports officiels, les lettres particulières qui les complètent, les renseignemens de toute nature abondent. Chaque capitaine se montre ainsi à découvert ; il nous laisse juger des tendances de son esprit par les préventions dont il ne se défend pas, par les préférences qu’il affiche. Tous nos commandans cependant ne sont pas au même degré explicites. Il en est chez qui la circonspection est poussée jusqu’à la sécheresse. Je pourrais citer tel capitaine qui s’obstine à ne pas sortir du domaine purement nautique. Il raconte ses traversées, recopie soigneusement son journal de bord. Il ne veut point donner de nouvelles. Je me trompe ; il annonce le départ de la girafe pour Paris. Cette catégorie de commandans offre à l’historien déçu peu de ressources. La grande majorité de nos officiers se montre heureusement plus communicative. Il y a deux partis dans notre flotte. Les royalistes sont presque tous philhellènes ; les libéraux sont plutôt Égyptiens. Le chef de la station se tient neutre. S’il laissait faire les uns, la haine de la piraterie les porterait à exterminer les Grecs ; s’il ne contenait soigneusement les autres, je ne sais quel reste mal éteint de l’esprit des croisades porterait infailliblement malheur aux Turcs. Le sultan a pu devenir le meilleur ami de nos rois ; ses sujets sont toujours, pour ceux de nos officiers qui partagent les opinions du sire de Joinville, des mécréans et des infidèles ; ils leur « bouteraient encore de la dague dans le ventre. » Aussi souvent leur indignation me paraît-elle aller trop loin et pencher injustement d’un seul côté. La Turquie et la Grèce se faisaient une guerre sans merci. On a vu au début de ce travail qui donna le premier le signal des massacres.