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donc Nauplie et vint s’établir, le 23 novembre 1826, à Égine. Une double expédition était déjà concertée contre les approvisionnemens de Reschid. Coletti, à la tête des armatoles de l’Olympe, réfugiés depuis deux ans dans les îles de Skiatos, de Scopelos et de Skyros, où ils se livraient sans vergogne au pillage des bâtimens neutres, se chargea d’aller occuper la ville de Talanti, située sur la rive méridionale du canal de Négrepont. La possession de cette place le rendrait maître du passage des Thermopyles. Karaïskaki, rejoint par Nikétas, qui lui avait amené les derniers survivans de la garnison de Missolonghi, irait de son côté se poster avec 3,000 hommes à l’entrée des défilés du Parnasse. Les convois de la Thessalie et les arrivages de la mer Ionienne seraient du même coup interceptés.

En ce moment, les souscriptions françaises commençaient à prendre le chemin d’Égine. On en mit les premiers versemens à la disposition de l’ancien médecin d’Ali-Pacha. Grâce à ce secours opportun, Coletti put se procurer des vivres, des munitions et une flotte. Sorti d’Eleusis le 6 novembre, Karaïskaki franchissait sans combat les gorges du Cithéron ; il avait atteint Dombrena que Coletti rassemblait encore ses armatoles. Le plan des Grecs commençait à se dessiner, mais Reschid n’était pas un de ces Turcs somnolens que les coups du destin viennent toujours frapper à l’improviste. Il avait le sentiment des dangers de sa situation, et les intelligences qu’il entretenait dans plus d’un village de l’Attique ne laissèrent pas le double mouvement qui le menaçait s’accomplir avant qu’il en fût prévenu. Reschid fit partir Omer-Vrioni pour l’Eubée, Mustapha, son propre lieutenant, pour Salone. Le 20 novembre 1826, Coletti, croyant n’avoir devant lui qu’un petit corps turc, prenait terre près de Talanti. Il se heurtait à des forces considérables et se voyait contraint de revenir à la hâte sur ses pas. Au moment de se rembarquer, il chercha vainement les bâtimens hydriotes, auxquels il avait cependant payé un mois de solde en avance. Les Hydriotes ne l’avaient pas attendu, et Coletti dut s’estimer trop heureux de pouvoir réunir quatre-vingts bateaux non pontés qui le ramenèrent avec sa troupe démoralisée à Skiatos.

La marche sur Salone avait mieux’réussi. Karaïskaki venait d’embusquer, sous les ordres de Grivas, 500 hommes à Rhakova, un des sites les plus abrupts de la chaîne du Parnasse. Les Albanais de Moustapha suivaient en ce moment sans défiance la route de Salone à Thèbes. Ils furent arrêtés par cette avant-garde. Karaïskaki accourut avec tout son corps et ferma l’ouverture des trois vallées à la jonction desquelles est bâtie Rhakova. Le 6 décembre, les Albanais étaient affamés : le plus grand nombre déposa les armes. 700 Guègues essayèrent seuls de se dérober à cette extrémité aussi périlleuse