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le rendre à la liberté. Il y avait trois mois que Coletti et Condouriotti réclamaient en vain le coupable quand, le 3 juillet 1825, une dépêche du capitaine de l’Alsacienne vint annoncer à l’amiral de Rigny que « le général Odyssée, en voulant s’évader de la prison du château d’Athènes au moyen d’une corde, s’était laissé tomber de cent et quelques pieds de haut et s’était tué sur le coup dans sa chute. » Le corps mutilé d’Odysseus fut en effet trouvé vers cette époque au pied de la tour franque qui s’élève à l’aile méridionale des Propylées. Le prisonnier avait-il péri en tentant de s’échapper, comme le bruit en courut d’abord ? Fut-il assassiné par Gouras, inquiet de la tournure que prenaient les événemens, et désireux de ne pas laisser l’ami qu’il avait trahi ressaisir, à l’exemple de Colocotroni, le pouvoir ? C’est encore là un de ces mystères historiques que des relations tout empreintes de la passion implacable des guerres civiles ne nous aideront pas à éclaircir.

Dans une société barbare, celui qui prend la confiance pour oreiller ne doit pas se promettre de longs jours. Le soupçon peut s’égarer parfois ; il n’en est pas moins prudent de toujours soupçonner. « Chose étrange, écrivait l’amiral de Rigny, c’est la crainte qu’avait Gouras, enfermé dans le château d’Athènes, de voir ses compagnons lui en fermer les portes qui l’a empêché de faire le 18 août une sortie décisive. La garnison de l’Acropole est restée inutile spectatrice des efforts tentés sous ses murs. » Obligé de dévaster la plaine d’Athènes pour n’en pas livrer les récoltes à l’ennemi, de lever dans tous les villages environnans des contributions pour payer ses troupes, d’y pratiquer sur l’échelle la plus large les réquisitions, Gouras, que nos commandans ne se font pas faute d’accuser « d’avarice, d’extorsions, d’injustice, » ne faisait peut-être que céder aux cruelles nécessités de la guerre. Traître lui-même envers son bienfaiteur, il se sentait partout entouré de trahisons. Les belliqueux habitans de la chaîne du Parnès, des villages de Khasia.et de Menidhi, avaient pris parti pour Reschid ; les habitans d’Athènes pouvaient être tentés d’imiter cet exemple. Gouras n’avait confiance que dans les 400 mercenaires qui formaient depuis longtemps son escorte. C’était avec eux qu’il s’était enfermé dans l’Acropole, refusant aux Athéniens le droit d’y pénétrer. Quand Reschid eut emporté la ville, il fallut cependant se résigner à ouvrir les portes de la citadelle à cette foule qui fuyait sous le sabre des Turcs. L’enceinte de l’Acropole, défendue par dix-sept pièces d’artillerie, renfermant des provisions pour plus de dix-huit mois, se trouva dès lors sous la garde de 800 combattans, mais de combattans divisés ; la présence de 800 femmes ou enfans ajoutait encore aux difficultés et aux embarras de la défense. La jeune femme de Gouras se char-