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gende de Versailles. Point de mélange de critique littéraire ou autre, point de doctrine versifiée, point de souci du dilettantisme qui rappelait plus ou moins l’Allemagne. Avec Jean-Paul par exemple, il faut commencer par beaucoup lire, et réfléchir quelquefois longtemps avant d’être au fait et de rire de ses saillies ou de s’attendrir sur ses fantaisies sentimentales. L’auteur de la Légende de Versailles ne nous impose au moins ni cette fatigue ni ces complaisances. Il nous promène en pleine histoire. D’ailleurs les figures qu’il fait revivre sont dans la mémoire de tous : jamais nos deux siècles royaux n’ont été plus présens à notre pensée que depuis qu’ils semblent ne pouvoir plus revenir; ils sont pour notre imagination un mélancolique passe-temps.

La facilité peu commune des vers, de ce recueil pourrait faire croire à une gageure, à un tour de force : cette idée nous semble bien éloignée du dessein de l’auteur, et il faut s’entendre sur l’emploi des vers lyriques. Est-il bien sûr que la satire ne puisse adopter toute sorte de rhythmes, la stance même? Et si elle le peut, pourquoi la poésie humoristique n’aurait-elle pas les mêmes conditions? Il n’y a pas un vers héroïque dans ce volume tout rempli du règne majestueux des quatre Louis qui ont régné au Louvre et à Versailles. En revanche, Ronsard n’a pour ainsi dire pas de stance anacréontique dont on ne retrouve l’échantillon chez M. Blaze. C’est de la poésie légère, gracieuse, quelquefois éloquente. Elle rappelle par le sujet de beaux vers d’André Chénier errant dans les bosquets de Versailles, et se déroule avec aisance à la manière de la jolie pièce d’Alfred de Musset, Sur trois marches de marbre rose, La veine est heureuse et neuve, sans violer les limites essentielles des genres, s’il est vrai que l’inspiration lyrique se distingue par le caractère personnel de la pensée.

L’auteur n’avait que l’embarras du choix pour varier ses agréables peintures et ouvrir des échappées de vue dans l’avenir. Il est curieux avec M. Blaze d’opposer un intérieur de Louis XIV vieilli, enfermé avec Mme de Maintenon, à celui de Louis XV vieillissant à son tour et s’efforçant, tête à tête avec Mme Du Barry, de se persuader qu’il s’amuse. Les deux épisodes sont écrits en quatrains de huit syllabes, mais quelle différence de couleur et de mouvement ! Dans le Pavillon de Luciennes, qui est le titre du second, il y a un oiseau qui est l’image de la dame de céans :

Aiguisant son bec dans un sable
De diamans et de saphirs,

Du perchoir d’or à la mangeoire.
Et de la mangeoire au perchoir,