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Issu d’une lente absorption de groupes slaves, finnois et parfois tatars, le Grand-Russien a rassemblé des fragmens hétérogènes épars et sans consistance, et de toutes ces parcelles de peuples il a formé un tout compacte dont les divers élémens, associés avant d’être confondus, se laissent encore reconnaître, de même que dans le granit le quartz, le feldspath et le mica, qui, mêlés sans être combinés, forment une des substances les plus dures qui soient au monde. Dans le peuple russe en effet, chez le Grand-Russien en particulier, différens élémens nationaux restent souvent dissemblables à l’œil : ils ne sont encore qu’agrégés, la fusion physique, physiologique des races, commencée depuis des siècles, n’est point encore achevée; la fusion morale, politique, la seule qui importe à la constitution d’un peuple, l’a devancée. Le type russe est encore en élaboration; mais, s’il est moins formé que ceux des peuples occidentaux, la nationalité russe n’est pas dans le même cas, et n’a rien à gagner à la disparition de traces d’origine que le peuple ne saisit point, ou dont les causes lui sont inconnues ou indifférentes. Dans la plus grande diversité de traits et de constitution des populations de Russie, il n’y a rien de ces oppositions violentes de types et de couleurs qu’un mélange séculaire est presque impuissant à effacer, et qui exposent certaines parties de l’Amérique à des luttes ou à des rivalités de races capables de mettre en péril la liberté en même temps que la sécurité. Pour l’unité ethnologique comme pour l’unité physique du sol et du climat, la Russie a l’avantage sur les États-Unis, où les nègres du sud seront pendant longtemps un plus grand embarras que les Tatars dans l’est russe.

Dans ce type russe encore à l’état d’ébauche, l’élément le plus robuste, l’élément indo-européen, par le seul fait de sa supériorité, tendra de plus en plus à l’emporter sur le fond finnois ou touranien. Déjà malgré les traces anatomiques d’alliage étranger que présente souvent son visage, le Grand-Russe est en parfaite communauté avec la race caucasique par les caractères extérieurs qui la distinguent le plus nettement des autres races, par la taille, par la couleur de la peau, par celle des yeux. A l’inverse de tous les rameaux de la race mongolique, sa taille est plus souvent haute que basse, sa peau est blanche, ses yeux sont fréquemment bleus, ses cheveux blonds, châtain clair ou roux, couleurs qui sont l’apanage de la souche caucasique ou méditerranéenne, à l’exclusion de toutes les autres. La barbe longue et épaisse qu’aime à porter le mougik, et que toutes les persécutions de Pierre le Grand n’ont pu lui faire couper, est elle-même un signe de race, rien n’étant plus dénudé que le menton du Mongol, du Chinois et du Japonais. Que si ces caractères étrangers aux races de la Haute-Asie se rencontrent déjà chez beaucoup de tribus finnoises ou tatares, cela suppose chez elles un mélange an-