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sourcilières sont droites au lieu d’être courbées, les yeux petits; le nez est large, la bouche grande, avec des lèvres épaisses. C’est un portrait peu gracieux, tenant à la fois du type caucasique et du mongolique, se rapprochant plus de l’un ou de l’autre selon les tribus et selon leur position géographique. Ces caractères plastiques se retrouvent fréquemment chez les Russes, surtout chez les femmes, qui partout conservent plus longtemps et plus fidèlement l’empreinte de la race. L’aplatissement du visage en premier lieu, la proéminence des pommettes en second, sont les deux plus répandus et les deux plus manifestes de ces vestiges finnois, que, par une regrettable confusion, un grand nombre de voyageurs attribuent aux Tatars ou aux Mongols. De pareilles traces, plus ou moins accentuées selon les classes, les contrées, le plus ou moins grand mélange des races, se laissent découvrir dans toute l’aire géographique où sont disséminées les tribus finnoises, c’est-à-dire dans la plus grande partie de la zone des forêts et dans presque les deux tiers de la Russie d’Europe.

En face des marques de parenté de cette race à demi disparue et de la plus nombreuse des nations européennes, l’observateur se demande quelles sont les aptitudes, le génie, la capacité de civilisation des Finnois. Est-il vrai que leur alliance soit pour la Russie une cause irrémédiable d’infériorité? Il est permis d’en douter. Dans leur isolement et l’extrême fractionnement de leurs tribus, sur les terres ingrates où ils sont relégués, les Finnois n’ont pu parvenir à un développement original; en revanche, ils ont partout montré une singulière facilité à s’assimiler aux races plus avancées, chaque fois qu’ils ont été en contact avec elles. Leur absorption intellectuelle a été encore plus rapide que leur absorption physique. Il en est d’eux comme du pays où se rencontrent la plupart de leurs débris, comme du sol russe : ils se laissent aisément conquérir à une civilisation qui n’a pu naître chez eux; si par le sang ils n’appartiennent pas à l’Europe, ils se laissent facilement annexer par elle. La religion en est la meilleure preuve. La plupart sont depuis longtemps chrétiens, et c’est cette acceptation du christianisme qui, plus que toute chose, a préparé leur fusion avec les Slaves, leur assimilation à l’Europe civilisée. De la Hongrie à la Baltique et au Volga, les Finnois ont embrassé avec une égale facilité les trois principales formes historiques du christianisme, et la plus moderne, le protestantisme, a mieux réussi dans leurs tribus de Finlande et d’Esthonie que chez les peuples celtes et latins.

Veut-on chercher dans ses langues le signe le plus net de l’intelligence d’une race, certains Finnois, les Suomi de Finlande comme les Magyars de Hongrie, ont porté leurs langues agglutinatives à une perfection qui, pour la force, la beauté et la richesse, les a fait comparer