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des pommettes. Dans la famille finnoise même, on trouve ces vestiges mongoliques à des degrés fort différens, accusés et frappans chez certaines tribus, comme chez les Lapons, fort affaiblis ou corrigés chez d’autres, comme chez les Finnois de Finlande.

Il est à remarquer que ces caractères craniologiques, ainsi que d’autres, voisins et moins favorables, comme un certain prognathisme ou proéminence des mâchoires, se sont rencontrés chez beaucoup des anciennes populations de l’Europe dont l’archéologie préhistorique a récemment découvert les traces. La plupart des tribus humaines de l’âge de la pierre brute et surtout de l’époque quaternaire dont les restes ont été retrouvés dans les grottes de l’occident de l’Europe semblent avoir appartenu à cette race mongolique, dans laquelle on classe les Finnois[1]. Ces races primitives paraissent avoir occupé tout le nord et le centre de notre partie du monde avant l’émigration des Celtes, les premiers venus en Europe de la race aryenne. Ce n’est point seulement dans les cavernes souterraines, parmi les débris des mammifères de l’époque géologique antérieure à la nôtre, c’est peut-être jusque dans les traits des populations européennes qui ont pris leur place que ces races primitives ont laissé des vestiges de leur passage. Recouverts par les invasions postérieures et comme enfouis sous les couches successives des tribus aryennes, ces anciens habitans de l’Europe ont disparu pour l’œil du vulgaire; celui de l’anthropologiste croit parfois saisir sur des visages contemporains, au milieu des pays les plus civilisés de notre Occident, des traces encore vivantes de ces premiers Européens[2].

Au lieu d’être exclusivement asiatique, l’élément touranien pourrait avoir joué dans notre Occident un rôle ethnologique en même temps qu’un rôle historique; il peut avoir été comme le premier fond, le substratum, depuis longtemps disparu, des populations du centre de l’Europe. Une telle conjecture devient moins invraisemblable quand on se rappelle à quel point certains peuples de ce groupe, comme les Magyars de Hongrie, ont par le changement de milieu et le croisement avec les Aryens perdu la plupart des caractères physiques de leur race. Quelques savans ont été jusqu’à regarder les Finnois du nord-ouest de la Russie comme les débris de ces tribus quaternaires qui, chassées du centre de l’Europe par les peuples indo-européens, se seraient réfugiées aux bords de la Baltique, dans des terres basses récemment émergées. Il est plus probable qu’au lieu de provenir

  1. Voyez l’ouvrage d’ethnologie générale le plus récent, Allgemeine Ethnographie, von Dr Fr. Müller; Vienne 1873, p. 67.
  2. Nous pouvons renvoyer à ce sujet à la Race prussienne de M. de Quatrefages, bien que ce savant nous paraisse avoir exagéré l’infériorité de la race finnoise, et que dans le cas particulier de la Prusse il ait pu grossir outre mesure le rôle de l’élément finnois aux dépens des élémens slave et germanique.