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L’EMPIRE DES TSARS
ET LES RUSSES

II.
LES RACES ET LA NATIONALITÉ. — LES FINNOIS, LES TATARS, LES SLAVES[1].

Terre vierge récemment découverte, encore privée d’habitans ou parcourue seulement par quelques tribus nomades, la Russie nous offrirait bientôt le même spectacle que les États-Unis ou l’Australie. Elle serait de ces pays où, laissant derrière elle les vieilles institutions qui protégèrent son enfance, la civilisation s’ouvre sur un sol neuf une carrière plus large et plus active. Abandonnée à la colonisation européenne, elle rivaliserait rapidement avec l’Amérique, car, selon une remarque déjà faite par Adam Smith, alors qu’aucune des colonies modernes n’avait encore pris un grand développement, rien, une fois que les fondations en sont bien assises, n’égale la rapide prospérité d’une colonie qui sur une terre libre peut construire un édifice entièrement nouveau. C’est sa population déjà ancienne, avec ses vieilles mœurs et ses vieilles traditions, qui a fait l’infériorité de la Russie; c’est elle qui, en la fermant à l’émigration de l’Occident, lui enlève les chances de cette prodigieuse croissance des terres coloniales. En contraste profond avec l’Europe occidentale, le sol russe était incapable de servir de berceau à la culture européenne, mais il est admirablement propre à la recevoir. En est-il de même des peuples qui l’occupent? Les conditions physiques ne sont point seules à déterminer le sort d’un pays, elles ne peuvent rien

  1. Voyez la Revue du 15 août 1873.