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dont on ne peut plus même prévoir l’issue, tant il y a d’impuissance dans cette confusion mêlée de meurtres et d’incendies. M. Castelar, qui vient d’être élu président des certes, a fait ces jours derniers sa centième harangue pour répéter qu’il faut sauver la république par le maintien de l’intégrité nationale, par l’ordre, par le rétablissement de la discipline dans l’armée, et il a couronné son discours en redisant une fois de plus son hymne à la république fédérale, qui seule, prétend-il, peut empêcher la dictature, fille de l’anarchie ; mais c’est là la question. Cette république fédérale, c’est ce qu’ont prétendu faire tous les insurgés de Valence, d’Alcoy, de Murcie, de Carthagène, de Séville, de Cadix, et c’est précisément cette idée fédéraliste qui a précipité l’anarchie où l’Espagne se débat aujourd’hui, d’où ne peuvent la tirer des cortès qui comptent beaucoup de complices des insurrections, un gouvernement toujours réduit à flotter entre une majorité incohérente et une minorité factieuse. Le difficile est désormais de refaire un gouvernement et surtout de le refaire avec les idées qui ont servi à le décomposer. Pour le moment, on est assez occupé à Madrid de savoir si les cortès consentiront à s’ajourner au mois d’octobre, et si avant de se séparer elles voudront accorder au pouvoir exécutif la suspension des garanties individuelles, c’est-à-dire cette dictature que M. Castelar laisse entrevoir comme une menace. Cette république espagnole en est là, elle ne procède pas autrement que tous les pouvoirs qui l’ont précédée ; seulement cette dictature elle-même, fût-elle votée, donnerait-elle au gouvernement tout ce qui lui manque, une armée dont on a tant de peine à retrouver les lambeaux, l’argent qu’il cherche partout et qu’il ne trouve pas, une administration capable de rassurer un peu le pays ?

Sans doute, même dans les conditions de détresse où est l’Espagne, il y a un degré d’anarchie qui révolte le plus simple bon sens et qui donne à un gouvernement une apparence de force momentanée. Les excès qui ont été commis depuis deux mois ont eu ce résultat : le ministère qui existe à Madrid en a profité jusqu’à un certain point ; quelques chefs militaires se sont rencontrés qui ont pu rallier un noyau de troupes pour marcher sur les foyers principaux d’insurrection. Le général Pavia a repris Séville, Cadix, Grenade, — le général Martinez Campes a reconquis Valence à coups de canon, il est entré à Murcie ; mais ce sont là des actes de guerre partiels d’un effet limité, ce n’est pas le rétablissement de l’ordre. Là où paraissent ces soldats qui retrouvent par degrés un peu d’esprit militaire, un peu de discipline sous la main de leurs chefs, ils contiennent les passions de révolte ; là où ils ne sont pas, tout est anarchie. Les campagnes de l’Andalousie sont livrées à la dévastation. Dans les environs de Séville, de Cadix, de Xérès, les incendies se multiplient d’une façon menaçante. Autour de Cordoue, il y a eu dans un mois trente propriétés incendiées, si bien que la municipalité a fini par promettre une prime à qui découvrirait les coupables. Le tra-