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famiglia, l’histoire de ses ancêtres, la seconde qui offre sous le titre de Ricordi autobiografici, l’histoire de sa vie. Il n’est pas besoin d’insister pour faire comprendre quelle valeur historique et morale offrent de tels écrits. Guichardin en particulier n’est pas de ceux qui prennent la peine de dissimuler les motifs de leurs actions ou d’exalter gratuitement leurs parens ou amis. Il y a dans son compte-rendu généalogique un certain oncle Rinieri, type de prélat de la renaissance curieux à connaître, dont il a dévoilé impitoyablement l’âme tout entière. Quand Guichardin parle de lui-même, il est sincère aussi à sa façon; d’ailleurs son journal entre en de tels détails, financiers ou autres, qu’il nous fait vivre réellement au milieu des coutumes et des idées du XVIe siècle italien.

Nous avons cité tout à l’heure une autobiographie illustrée que nous avons cru pouvoir ranger à côté des livres de raison. Le genre se subdivise en effet en sous-genres et en espèces, et l’on pourrait mentionner à ce dernier titre ce qu’on a nommé par exemple les livres des amis, sorte d’albums que M. Darcel nous a fait connaître, et où s’enregistrent des séries de souvenirs réunis au nom de l’amitié. Le musée du Louvre possède ainsi l’album ou registre exécuté par les soins des deux frères allemands de Riethain dans le dernier tiers du XVIe siècle. Au cours de leurs études universitaires, à Louvain, Strasbourg, Ingolstadt, Dôle, Lyon, ils ont obtenu de chacun de leurs amis quelques lignes autographes, quelques devises, maximes ou citations poétiques : ils ont accompagné ces lignes d’armoiries ou d’écussons, de portraits, de scènes de mœurs, de caricatures même politiques, toute sorte de représentations qui, exactement datées, deviennent d’un si grand secours au point de vue de la peinture des mœurs ou même de l’histoire générale. Un autre genre d’intérêt, mais analogue, s’attacherait au manuscrit n° 3,188 (supplément français) de la Bibliothèque nationale. Exécuté par un certain Beaullart, échevin de Caen en 1607, il contient d’abord un mémorial de la famille de ce nom, puis un journal des événemens, grands et petits, survenus en cette ville entre 1600 et 1639, avec quelques faits d’histoire générale à partir de 1531, puis trente-trois portraits-médaillons des principaux personnages de l’époque, gravés par l’habile Thomas de Leu et les artistes contemporains.

Il est clair que de tels monumens, ceux-là même où l’illustration paraît occuper la plus grande place et que recherchent à cause de cela les amateurs d’archéologie, peuvent devenir fort précieux à l’historien. M. Charles de Ribbe a eu l’heureuse idée de demander aux plus graves, aux livres de raison proprement dits, un tableau de la vie de famille dans l’ancienne France. Nobles et roturiers ont également pratiqué sans doute l’usage de ces sortes de registres; la plupart de ceux qu’on retrouve aujourd’hui appartiennent toutefois