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affaire du 19 comme le dernier mot de la résistance; plus que jamais on réclamait une nouvelle tentative, la « sortie torrentielle » à 300,000 hommes, soldats, gardes nationaux, citoyens sans armes, et, comme l’a dit le général Trochu, « la foule n’était pas seule dans ces sentimens, le gouvernement à des degrés divers y était tout entier. » Les circonstances devenaient pressantes, et le gouvernement, qui, au milieu de ces extrémités, en était à craindre d’être emporté d’un instant à l’autre par quelque nouveau 31 octobre, le gouvernement ne trouvait rien de mieux pour désarmer le sentiment populaire que de revenir ’à la pensée de sacrifier le général Trochu, qui était, selon le mot vulgaire, la bête noire du moment.

Comment faire cependant? Dès la nuit du 19, M. Jules Favre s’était rendu au Mont-Valérien avec l’intention de laisser pressentir au général Trochu la nécessité de sa démission, tout au moins d’une abdication du commandement en chef de l’armée. Le lendemain 20, on tenait conseils sur conseils, on s’engageait dans deux ordres de délibérations tendant confusément à un but unique, la solution des difficultés militaires et politiques devant lesquelles on se trouvait. D’un côté, on réunissait les généraux pour leur demander une fois de plus ce qu’ils croyaient possible, ce qu’ils pourraient encore tenter, et après les généraux on allait même jusqu’à rassembler au ministère de l’instruction publique, sous la présidence de M. Jules Simon, des officiers de tous grades, colonels, chefs de bataillon, simples capitaines. D’autre part, on appelait les maires de Paris à délibérer sur la situation; on avait besoin désormais de leur concours, on tenait à leur soumettre la vérité tout entière, l’extrémité où on arrivait, l’épuisement des vivres à jour fixe et prochain. Naturellement les maires, placés pour la première fois en face de cette vérité cruelle, restaient assez consternés; ils déclinaient toute responsabilité dans les résolutions qu’il y aurait à prendre, ils se bornaient à se faire les organes du sentiment public en demandant, eux aussi, qu’on tentât une action nouvelle, qu’on employât le zèle et le courage de la garde nationale. Les délibérations se croisaient et se succédaient le 20 et le 21 janvier, au milieu d’une ville où toute autorité semblait avoir disparu et où les factions, s’agitant dans les faubourgs, parlaient déjà de marcher sur l’Hôtel de Ville.

De quoi s’agissait-il en définitive dans tous ces conseils? La vraie question était d’obtenir du général Trochu une démission qu’on lui demandait avec une courtoisie apparente, mais aussi avec une certaine vivacité, sans lui ménager les plaintes et les récriminations. Les maires ne lui cachaient pas que, s’il refusait, il exposait Paris à une explosion violente où le gouvernement tout entier pouvait disparaître. Au premier moment, le général Trochu se redressait devant ces sommations; il résistait, d’abord parce qu’il se sentait atteint dans