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l’ennemi, tenter des surprises, lutter contre le bombardement, c’était tout ce qu’on pouvait. Le général Frébault ajoutait même qu’il ne voyait pas de champ de bataille qui permît un grand déploiement de forces. Il reconnaissait néanmoins qu’une ville assiégée devait s’imposer des sacrifices. « Que l’on se batte donc de nouveau pour l’honneur de Paris, disait-il; mais on le fera pour accomplir un devoir, sans espoir de succès. » Seul, le chef d’état-major du gouverneur, le général Schmitz, tout en avouant l’impossibilité de percer les lignes, soutenait qu’on devait se mettre à la place du gouvernement, qui ne pouvait rendre les armes avec 300,000 hommes sans tenter un grand et suprême effort. Clément Thomas demandait à son tour qu’on offrît à la garde nationale une occasion de défendre sa ville, d’aller à l’ennemi, et le général Trochu résumait ce douloureux, mais instructif débat, en disant : « Quand nous approcherons de la crise finale, nous suivrons l’opinion du général Thomas... J’ai dit que je ne capitulerais pas, et je ne capitulerai pas. Cette dernière heure venue, le gouverneur de Paris vous proposera une suprême entreprise qui pourra peut-être se transformer en déroute, mais qui peut-être aussi pourra produire des résultats inattendus... »

C’était, à vrai dire, le programme encore assez vague de la fin du siège. Avant que ce conseil fût terminé, on touchait au premier jour de l’année 1871, qui se levait triste et chargé de terribles ombres pour Paris, tandis que Guillaume de Prusse recevait dans la salle des Glaces au palais de Versailles les députations de son armée, et que M. Gambetta prononçait au loin, à Bordeaux, du haut du balcon de la préfecture, des harangues par lesquelles il envoyait pour souhaits de bonne année plus de déclamations que de secours à ceux qu’il appelait ses « chers assiégés. »


III

« Le gouverneur de Paris ne capitulera pas ! » C’était une parole d’une bien confiante audace, si elle ne cachait pas une arrière-pensée, et qui était d’un effet étrange au milieu d’un bombardement suspendu sur une ville réduite à quelques jours de vivres. Pour échapper à une capitulation, il n’y aurait eu que deux moyens : ou bien une intervention de l’Europe, un acte de diplomatie venant à propos dénouer ou détendre la situation par un armistice avant la catastrophe, — ou bien le succès de cette entreprise de la dernière heure que le général Trochu laissait entrevoir comme l’acte désespéré de la défense.

Que pouvait-on espérer désormais de la diplomatie? Compter sur une négociation, au moins sur une négociation directe d’armistice.