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ultra-révolutionnaires. Les clubs, comme en 93, entrent en lutte avec l’assemblée légale, et marchent contre elle au 15 mai comme les sections au 13 vendémiaire. Les dernières couches sociales, pour lesquelles le mot de révolution est trop souvent synonyme de dévastation, mettent au pillage les châteaux de Neuilly et de Suresnes ; elles coupent des ponts, enlèvent les rails sur les chemins de fer du Nord, de l’Ouest et de Saint-Germain. Le gouvernement est réduit à placer les propriétés publiques et privées sous la sauvegarde de la république, et, comme les abstractions politiques ne peuvent rien contre les malfaiteurs, il est forcé d’envoyer des troupes pour réprimer les brigandages.

M. Victor Hugo, du haut de la tribune, constata, dans son discours du 20 juin 1848, la déplorable situation du pays : « plus de confiance, plus de crédit, plus de commerce, la demande a cessé, les débouchés se ferment, les faillites se multiplient, les loyers et les fermages ne se paient plus ; tout a fléchi à la fois. Les familles riches sont gênées, les familles aisées sont pauvres, les familles pauvres sont ruinées. » La France avait, il est vrai, pour se consoler, les bœufs aux cornes dorées, les vierges en robes blanches des fêtes de l’agriculture, les représentans en gilet à la Robespierre, le journal la Commune, le journal la Guillotine, les conférences du Luxembourg sur l’organisation du travail, et comme spécimen de cette organisation les ateliers nationaux et les ateliers égalitaires. Elle jugea qu’il lui fallait autre chose ; la dictature de l’empire sortit de l’anarchie néo-montagnarde, comme elle était sortie de l’anarchie du directoire, et la commune de 1871 à son tour sortit tout armée de la dictature de l’empire.

Nous arrêterons-nous enfin dans cette voie funeste, et verrons-nous s’accomplir la révolution de l’ordre, de la stabilité, du progrès calme et rationnel ? On est en droit de l’espérer, si nous avons la sagesse de secouer le joug des funestes doctrines du jacobinisme, qui ont perdu la première république, compromis la seconde, et qui menacent encore la troisième, car l’on peut dire des néo-terroristes ce que Napoléon disait des partisans quand même de l’ancienne monarchie : qu’ils n’ont rien appris ni rien oublié. Le livre de M. Gradis, depuis la première page jusqu’à la dernière, le prouve avec l’irréfutable autorité des faits.


CHARLES LOUANDRE.


C. BULOZ.