Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/983

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

élection a eu lieu à Greenwich pour remplacer un membre du parlement mort il y a peu de temps. Le candidat conservateur, M. Boord, a réuni plus de voix que tous ses concurrens libéraux réunis, et son apparition au parlement dans les derniers jours de la session a dû être pour M. Gladstone comme un signe du déclin de sa fortune ministérielle. L’East-Staffordshire vient aussi d’élire un conservateur. Les élections conservatrices se multiplient ainsi de façon à modifier singulièrement la situation ; elles ne changent pas encore la majorité dans le parlement, elles sont de nature à raviver toutes les espérances du parti tory et à inquiéter les libéraux aux approches des élections générales, qui ne peuvent plus être indéfiniment retardées. M. Disraeli reculait il y a six mois devant la dissolution du parlement, il ne reculerait plus maintenant sans doute, si le pouvoir lui était offert. De toute façon, le puissant mouvement d’opinion qui a si longtemps soutenu M. Gladstone semble se ralentir ou se détourner. L’Angleterre n’est pas devenue moins libérale, elle souffre peut-être au fond du rôle qu’on lui a fait jouer dans ces dernières années, de la position effacée qu’on lui a créée dans les affaires du monde. Le déclin de la popularité du ministère de cinq ans tient en partie à ce malaise intime, inavoué, d’une grande nation qui tient sans doute profondément à la paix, mais qui sent aussi qu’on lui a fait acheter cette paix assez cher en l’isolant de tous les intérêts continentaux, en lui imposant des sacrifices d’influence auxquels elle n’était pas accoutumée avec un Canning ou même avec un Palmerston.

Les affaires de l’Espagne sont arrivées à ce degré de complication et de confusion où elles ne peuvent certes se simplifier et s’éclaircir de si tôt. L’anarchie sous toutes les formes, avec tous ses excès, règne des Pyrénées à Gibraltar ; tous les instincts de révolte, toutes les passions violentes, ont fait explosion à la fois au nord et au sud, et se sont disputé cette malheureuse nation. Depuis quelques jours cependant, on dirait qu’il y a comme un semblant d’amélioration, ou, si l’on veut, toute cette démagogie, qui s’est répandue dans le midi de l’Espagne, commence à montrer de la fatigue, elle laisse voir son impuissance. Dès qu’elle se sent serrée de près, elle ne tient pas longtemps, ou du moins elle ne tient que pour retarder sa défaite. Les troupes du gouvernement, conduites par le général Martinez-Campos, ont fini par entrera Valence après un bombardement de plusieurs jours. Le général Pavia a repris Séville, qu’il a dû aussi enlever de vive force. Cadix a cédé à son tour. Les insurgés espagnols se sont défendus tant qu’ils ont pu à l’abri de leurs murailles et de leurs barricades, avec tous les moyens de guerre qu’ils ont trouvés dans les arsenaux. Ils avaient leurs canons, leurs bataillons de fédérés ou de volontaires. Ils ont eu leur siège à l’instar de la commune de Paris, et c’est assurément une chose étrange de voir ces épidémies de meurtre et d’incendie, ces contagions révolu-