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plus décevans mirages de la politique. L’événement de ces derniers jours est là tout entier en quelques mots.

Comment s’est accomplie cette œuvre de rapprochement entre des princes d’une même famille dont les révolutions intérieures de la France avaient fait les représentans de deux principes presque opposés ; de deux monarchies différentes ? Elle n’a point été certes improvisée, ou du moins le dénoûment seul de la dernière heure a pu être improvisé. Depuis vingt ans et plus, depuis la révolution de 1848 à vrai dire, des hommes politiques du parti légitimiste ou du parti demeuré fidèle par ses souvenirs à la royauté de 1830 se sont attachés à cette combinaison, toujours abandonnée, toujours reprise et toujours fuyante. Ils n’ont cessé de travailler à refaire une monarchie avec deux monarchies. C’était leur rêve, qu’ils ne pouvaient jamais transformer en réalité, parce que probablement il y avait un peu plus de difficulté qu’ils ne le supposaient. Depuis deux ans surtout, depuis que la France, éprouvée par une guerre désastreuse et par une révolution difficile à fixer, s’est trouvée dans ce provisoire qui dure encore, où il n’est plus resté debout que l’assemblée souveraine sortie du scrutin du 8 février 1871, on s’est remis à l’œuvre sous la sauvegarde de ce pacte de Bordeaux qui permettait tout, qui promettait la vie à la république si elle était sage, selon le mot de M. Thiers, mais qui ne décourageait pas la monarchie. On a fait plus d’un essai, et à chaque tentative on aurait dit qu’un incident imprévu venait ironiquement déjouer les transactions les mieux préparées. Autant qu’on puisse suivre le fil de ces combinaisons intimes, le point de départ semble avoir été, il y a deux ans, l’abrogation des lois d’exil votées par les légitimistes de l’assemblée. Dès ce moment, il aurait été admis en principe que M. le comte de Paris, comme représentant de la famille d’Orléans, devait faire une visite à M. le comte de Chambord. Seulement le manifeste sur le drapeau blanc paraissait alors, et la visite devenait plus difficile ; elle a été successivement ajournée depuis. Que s’est-il passé plus récemment ? Il est clair que depuis assez longtemps les dispositions personnelles des princes n’étaient plus en cause. Au commencement de cette année, les princes d’Orléans témoignaient leurs sentimens par leur présence à la cérémonie funèbre de la chapelle expiatoire le 21 janvier, et le comte de Chambord montrait qu’il n’était point insensible à cet acte. De la fusion réelle, politique, on continuait cependant à ne rien dire, comme si on avait craint de toucher à un problème insoluble. On en a même peu parlé après le 24 mai, qui n’a point été évidemment accompli, surtout de la part des bonapartistes qui y ont aidé, avec la préméditation fixe d’une restauration royale, mais qui, par la force des choses, devenait une dernière occasion ou, si l’on veut, une dernière tentation pour les partis monarchiques, une sorte d’appel muet et indirect à un rapprochement de famille sans lequel rien n’était pos-