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monarchie en deux groupes distincts : le groupe autrichien ou cisleithan, qui a son siège à Vienne, et le groupe hongrois ou transleithan, qui a son siège à Pesth. La Leitha est le cours d’eau qui sépare les deux moitiés de l’empire. Il y a dans la monarchie trois cabinets distincts, ayant chacun son président du conseil : le ministère commun, qui compte trois ministres ; le ministère cisleithan et le ministère transleithan, qui comprennent chacun sept ministres. Les ministres cisleithans sont responsables devant le Reichsrath de Vienne, les ministres transleithans devant la diète de Pesth, les ministres communs devant les « délégations » du Reichsrath autrichien et de la diète hongroise, qui se réunissent tantôt à Vienne, tantôt à Pesth, avec mission de voter les dépenses communes, guerre, diplomatie, trésorerie centrale. La réforme électorale qui vient d’être adoptée ne s’applique qu’au groupe cisleithan. Ce groupe se compose de dix-sept provinces qui ont une double représentation, la représentation provinciale formée par les diètes, la représentation générale, qui est constituée par le Reichsrath. Cette assemblée se compose de deux chambres : la chambre haute ou chambre des seigneurs se recrute surtout dans la grande aristocratie territoriale ; elle a des membres de droit et des membres héréditaires et à vie, nommés par l’empereur. La chambre des députés comptait avant la réforme 203 membres, élus par les diètes provinciales, qui les choisissaient dans leur propre sein. Il y a pour les dix-sept diètes des règlemens électoraux qui varient suivant les provinces. Elles sont formées par des députés appartenant à deux catégories distinctes. La première comprend des députés non élus qui siègent de droit, et qui ont ce qu’on appelle voix virile ; ce sont les archevêques, évêques et recteurs de l’université. Les députés de la seconde catégorie sont élus par quatre groupes distincts d’électeurs : les grands propriétaires fonciers, — les villes, bourgs et centres industriels, — les chambres de commerce, — les communes rurales.

Si complexe qu’il soit, ce mécanisme fonctionnerait peut-être assez facilement sans la diversité des langues, des religions et des coutumes. D’après les dernières statistiques, les pays qui forment le groupe cisleithan ont une population d’environ 17 millions 1/2 d’âmes. Sur ce nombre, il y a près de 6 millions 1/2 d’Allemands ; les Tchèques, les Polonais, les Ruthènes, les Slovènes, forment le reste de la population. Dans la Haute-Autriche, la Basse-Autriche, les pays de Salzbourg, le Vorarlberg, la Silésie, l’élément germanique est le seul qui existe. Dans le Tyrol, la Styrie et la Carinthie, il est en majorité, mais il est en minorité dans l’Illyrie, la Bohême, la Moravie, la Bukovine, la Galicie. Cette diversité de races est la principale cause de l’existence des deux partis qui, sous le nom de centralistes et de fédéralistes, se disputent le pouvoir dans le groupe cisleithan.