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éloigner d’eux tout ce qui excite. Les prédisposés à la folie doivent être traités d’une façon analogue, c’est-à-dire avec une grande douceur ; il faut tâcher d’endormir chez eux les passions. L’existence qui leur convient le mieux est celle où il n’y a ni forte activité intellectuelle à dépenser, ni gloire, ni fortune à espérer. Prévenir ou enrayer au sein même des individus le développement des germes morbides n’est ici que l’accessoire ; le principal est d’empêcher le passage de ces germes dans les nouvelles générations. Or, pour atteindre se résultat, il n’importe pas seulement de multiplier et de faciliter les mariages conformes aux lois de l’hygiène et de la morale, il faut encore s’opposer aux alliances d’où il ne peut sortir que des enfans misérables d’esprit et de corps. Les médecins doivent employer toute leur influence pour défendre l’union de deux époux atteints l’un et l’autre dans les profondeurs de leur constitution par une prédisposition aux diverses névroses, aux tubercules, à la scrofule, etc. Quand l’un des deux époux a des antécédens héréditaires morbides, le médecin doit insister tout au moins sur la nécessité de donner, comme conjoint à l’individu qui n’est pas d’une constitution irréprochable, un époux ou une épouse d’un état de santé parfait, d’une force et d’une sexualité supérieures, et surtout d’un tempérament contraire. De la sorte, on atténue plus ou moins les chances de contamination héréditaire auxquelles il serait préférable de ne pas exposer du tout sa progéniture. C’est là une question trop délicate pour que nous y insistions ici. Nous devons dire quelque chose cependant des unions entre consanguins, qui ont donné lieu à de si vives controverses dans ces dernières années. Certains médecins et anthropologistes, M. Broca et M. Bertillon entre autres, soutiennent que tes races les moins mélangées, les plus pures, résistent mieux que les races croisées aux causes de dégénérescence. D’après eux, les méfaits attribués à la consanguinité dépendent de motifs tout à fait étrangers, et principalement des affections héréditaires des ascendans. Trousseau et Boudin affirment de leur côté que les mariages entre individus de la même famille engendrent souvent des produits malsains, des fous, des idiots. Le différend semble être terminé aujourd’hui en faveur des partisans de la première opinion. Tout dernièrement encore, M. Auguste Voisin a constaté, en interrogeant les parens de plus de 1,500 malades de Bicêtre et de la Salpêtrière, que l’état d’aucun de ces malades ne pouvait être attribué à l’influence de la consanguinité. Si celle-ci était une cause aussi décisive de dégénérescence, on en aurait vu les effets parmi cette foule d’aliénés et d’idiots.

En tout cas, et quelque exagération qu’il puisse y avoir chez les théoriciens de l’hérédité, celle-ci a une part incontestable dans la genèse du tempérament et du caractère, et la réalité de ce fait suffit