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réalisant un type vraiment humain, comme l’enveloppe d’une âme capable d’honorer l’espèce. — On raconte qu’un jour un Anglais envoya son groom dans une taverne pour y chercher Shakspeare, qui était son ami. « Comment le reconnaîtrai-je ? fit le groom. — Rien de plus simple, répondit le maître. Chaque figure a quelque ressemblance avec celle d’un animal ; mais en voyant Shakspeare tu diras : Voilà l’homme ! » L’homme conçu dans la plénitude de sa beauté harmonieuse, oui, voilà l’idéal vers la réalisation duquel doivent tendre les efforts de notre actuelle et imparfaite humanité, et il est temps qu’on ne néglige rien pour se rapprocher, par un habile emploi de l’hérédité, c’est-à-dire par de saines procréations, d’une race humaine où les derniers vestiges de l’animalité auront disparu, où l’homme sera moins rare !

Qu’est-ce qui fait la supériorité de l’aristocratie anglaise ? C’est la constante préoccupation qui l’anime de doter sa descendance des meilleures qualités corporelles, intellectuelles et morales. L’Anglais ne se marie point par caprice ou par passion ; il se marie dans les conditions les plus capables d’assurer le bonheur de ses enfans, car il sait que le sien et l’honneur de son nom en dépendent. Le respect dont on entoure les jeunes Anglaises, l’honnête liberté dont elles jouissent, l’importance secondaire qu’on attache à leur fortune et le cas que l’on fait de leur mérite personnel sont autant de causes qui augmentent chez ce peuple le nombre des alliances heureuses, et par suite fortifient la population. C’est là un des grands secrets du perfectionnement par l’hérédité. Il faut que les hommes, au lieu de demander la richesse à leurs fiancées, leur demandent la beauté, le caractère et la vertu. Tant qu’ils ne craindront pas de s’allier à des femmes débilitées ou dépourvues de qualités sérieuses, la race s’altérera et s’abâtardira. Le même déplorable résultat est aussi la conséquence du mariage des femmes distinguées et bien constituées avec des individus plus ou moins dégradés. Par bonheur, le tact et la dignité instinctive des femmes, la sympathie naturelle qui les porte vers les supériorités, les empêchent le plus souvent de s’abaisser à des unions humiliantes ou dangereuses, et les prémunissent presque toujours contre les mésalliances. « Au lieu de s’abandonner aux entraînemens sympathiques, dit M. Sédillot, qui troublent facilement le jugement, qu’on se demande, à la vue d’une personne qui plaît, si l’on désirerait avoir des fils et des filles à sa ressemblance, et l’on sera surpris de la fréquence des réponses négatives. Il serait peu raisonnable sans doute de sacrifier des avantages présens à ceux d’une destinée incertaine, mais la sagesse commande de les concilier et de se rappeler la rapidité du temps et le peu de valeur de l’heure qui s’écoule, en comparaison des espérances et des satisfactions de l’avenir. » M. Sédillot ajoute