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insisté sur la quantité prodigieuse d’états nerveux d’ordre morbide que l’on trouve chez les ascendans des idiots et des imbéciles. Un seul fait permettra de juger des complications variées et bizarres de la transmission héréditaire des névroses. Le docteur Morel a donné ses soins aux quatre frères d’une même famille. Le grand-père de ces enfans était mort aliéné, leur père n’avait jamais rien pu faire de suivi ; leur oncle, doué d’une grande intelligence et médecin célèbre, était connu par ses excentricités. Or ces quatre enfans, produits d’une même souche, présentaient des formes très différentes de troubles psychiques : l’un était maniaque, avec accès périodiques et désordonnés ; le second, mélancolique, était réduit par sa stupeur à un état purement automatique ; le troisième se signalait par une extrême irascibilité et des tendances au suicide ; le quatrième se faisait remarquer par de grandes dispositions pour les arts, mais il était d’une nature craintive et soupçonneuse.

La scrofule, le cancer, le tubercule, la syphilis, la goutte, l’arthritis, la dartre et en général les affections chroniques constitutionnelles auxquelles on a donné le nom de diathèses et de cachexies passent fort souvent des parens aux enfans. L’hérédité de ces états morbides est presque aussi fréquente et aussi nette que celle des névroses. Il est permis d’affirmer aussi, bien qu’elle soit plus rare, celle des maladies de la peau et surtout du psoriasis.

Rien de plus intéressant, de plus dramatique, que l’évolution de ces maladies héréditaires, qui, déposées à l’état de germe, de simple prédisposition, dans l’économie des enfans, tantôt sont anéanties sans retour par un ensemble de conditions et de précautions heureuses, tantôt commencent immédiatement leur fatal ouvrage de destruction, tantôt se dissimulent pendant des années et se réveillent un jour, impitoyables et terribles, sous l’influence d’excitations diverses. C’est ainsi que l’âge, le sexe, le tempérament, les mœurs, les habitudes, l’hygiène, le milieu, interviennent dans le développement des activités morbides d’origine héréditaire. La folie est rare dans l’enfance ; l’épilepsie éclate le plus ordinairement dans l’adolescence. L’hystérie, la scrofule, le rachitisme et le tubercule apparaissent dans l’enfance et dans l’adolescence, la goutte, la gravelle, les calculs, l’alopécie, le cancer, sont des états héréditaires de l’adulte. — La femme est plus sujette à la folie, à l’épilepsie, à l’hystérie que l’homme. Celui-ci en revanche est atteint beaucoup plus fréquemment de goutte, de gravelle et de calculs. Le tempérament nerveux favorise l’apparition des névroses, le tempérament lymphatico-sanguin celle de l’arthritis et de la dartre, le lympathique celle de la scrofule. Les changemens qui surviennent dans l’équilibre physiologique de l’individu ont une action prononcée sur le mouvement et l’aspect des