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nissement et de drainage artificiel. Le Gâtinais est en voie de subir cette transformation. La craie et l’oolithe, trop perméables et par conséquent trop secs, sont restés trop maigres. L’élément calcaire indispensable à la végétation manque dans le Morvan et dans l’Argonne. La géologie explique donc en partie le plus ou moins de succès des agriculteurs dans les diverses provinces du territoire que nous considérons, à la condition de tenir compte aussi des changemens que l’homme y apporte lui-même par son travail, car le drainage et le marnage améliorent des terres que l’on eût crues d’abord rebelles à toute culture.

Le succès des prairies dépend surtout de la nature du sol, quoique l’on pourrait, au moyen d’irrigations bien entendues, les étendre davantage dans les contrées qui en sont trop dépourvues. M. Belgrand énonce ce principe, que les prairies naturelles se développent dans les terrains imperméables jusqu’au flanc des coteaux et sur le sommet des montagnes, tandis que les pays perméables n’en possèdent que sur les bords des cours d’eau dans la partie des vallées submergées par les crues. Cette loi suffit à faire connaître quelles régions sont dotées de pâturages et quelles autres en sont privées. Les prés occupent 20 pour 100 de la surface totale du territoire dans l’Auxois, où l’on engraisse les beaux bœufs de la race charolaise; dans le pays de Bray, la proportion est encore plus forte, parce que l’humidité du climat est plus favorable au bétail que la sécheresse estivale de la Bourgogne. Les cantons de Bayeux et d’Isigny, si renommés pour la production du beurre, sont assis sur le lias, comme ceux de l’Auxois. Le Morvan n’a que des prairies médiocres en raison de la tourbe qui s’y développe; on y élève des bœufs, mais on ne les engraisse pas. Dans les terrains perméables, les prés, toujours de mauvaise qualité, occupent à peine un centième de la surface. La race bovine n’y réussit guère, si ce n’est dans la petite culture; la race ovine, qui trouve une nourriture suffisante sur les terres les plus sèches, s’y plaît davantage. Le mouton de belle race prospère sur les plateaux perméables et fertiles du Soissonnais, du Valois, de la Beauce et du pays de Caux, où l’on élève ces admirables mérinos qui donnent de bonne viande et en même temps une laine de qualité supérieure.

De ce qui précède, il résulte que le bassin de la Seine contient beaucoup de terres à froment et peu de prairies propres à l’engraissement du gros bétail. Le mouton, qu’il peut produire en plus grande quantité, n’est qu’une viande de luxe, presque exclue de la consommation des classes ouvrières. L’Angleterre au contraire est un pays de pâturages en raison surtout de l’humidité de son climat. On ne doit donc pas s’étonner si les Anglais consomment plus de