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depuis par le capitaine von Spilner, du 69e régiment, que l’ordre avait été donné de faire arriver devant la place douze pièces prussiennes de 24, plus vingt-quatre pièces de 12 et seize mortiers français du plus fort calibre. Malgré la situation désespérée des assiégés, malgré les ravages de la petite vérole noire, les souffrances de la population entassée dans des casemates infectes, la résistance se prolongea jusqu’au 9 janvier. Les Prussiens avaient eu un moment la pensée de donner l’assaut, ils avaient ramassé dans ce dessein une grande quantité d’échelles ; mais ils renoncèrent à leur projet, et se contentèrent d’achever leur œuvre. Les fusiliers-marins, les artilleurs de la mobile de la Somme et la compagnie de dépôt des mobiles d’Abbeville, la meilleure troupe que nous ayons eue, dit M. Ramon, soutinrent en grande partie l’effort de l’armée de siège, et l’ennemi lui-même leur a rendu un éclatant témoignage. Le général von Barnekow, qui avait remplacé le général Senden, écrivit au commandant Garnier : « Monsieur, après le départ des troupes françaises qui ont combattu à Bapaume les 2 et 3 janvier, et comme la place de Péronne a été cernée et bombardée, il me semble que la résistance ultérieure de la place n’aurait pas de raison d’être. J’ai donc l’honneur de vous proposer de faire cesser une résistance désormais inutile en vous promettant, monsieur le commandant, qu’en vertu de votre résistance énergique je vous accorderai des conditions favorables. » « VON BARNEKOW. »


Il était évident que la prolongation de la lutte ne pouvait aboutir qu’à l’anéantissement complet de la ville ; on avait fait pour sauver l’honneur tout ce qu’il était humainement possible de faire. La capitulation fut signée le 9 janvier à onze heures du soir. Les officiers qui s’engagèrent sur l’honneur à ne point porter les armes jusqu’à la fin de la guerre restèrent libres ; les autres furent faits prisonniers avec l’autorisation de conserver leurs épées. La moitié des approvisionnemens en vivres fut laissé à la ville, qui fut en même temps exemptée de toute réquisition en argent et en nature. — Malgré la liberté qui leur était offerte, les officiers de marine, ainsi que ceux du 43e et de la mobile d’Abbeville et d’Amiens, au nombre de vingt-cinq, ne voulurent point se séparer de leurs hommes, ils partirent avec eux pour l’Allemagne, et parmi les sous-officiers et soldats qui les accompagnaient, plus de 500 moururent en route faute de distributions de vivres ou par suite du froid et de fatigues excessives. Quant aux Prussiens, le jour même de leur entrée dans la place, ils s’occupèrent activement de la mettre en état de défense, et se trouvèrent ainsi maîtres de toute la ligne de la Somme, à l’exception d’Abbeville. Pendant les treize jours du bombardement, la garnison avait eu 13 hommes tués et 60 blessés, dont la moitié