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à l’homme qui avait fait la grandeur de la Prusse. La division s’éloigna quelques jours après en laissant dans le château une garnison chargée de recevoir et de garder les vivres et les objets de toute nature que des colonnes volantes enlevaient dans les environs ; mais le général Faidherbe, qui venait de réorganiser l’armée du nord, résolut de mettre un terme aux exactions prussiennes, et dirigea sur Ham trois bataillons aux ordres du général Lecointe. Ce brave officier, escorté des deux dragons qui formaient toute sa cavalerie, arriva vers six heures du soir en vue de Ham. Il lança les troupes sur la gare et dans les rues, et tous les Prussiens qui se présentèrent furent pris ou tués ; mais ceux qui occupaient le château levèrent les ponts-levis et ouvrirent un feu très vif contre les tirailleurs français, qui s’étaient postés derrière les arbres de l’esplanade et dans les maisons situées en face de la forteresse. Un officier envoyé en parlementaire fut accueilli par une décharge qui tua son clairon et le blessa lui-même à la tête. Quelques coups de canon furent alors tirés contre les tours, et bientôt un lieutenant prussien, qui venait d’être pris, se chargea de faire comprendre à la garnison qu’une plus longue résistance était inutile. Une capitulation fut signée, et 210 prisonniers, dont 12 officiers, restèrent entre nos mains. On trouva dans les bagages de l’ennemi et les sacs des soldats des robes de soie, des jupons, des couverts d’argent, un violon et des objets de toute espèce, comme pour témoigner que, de même qu’au temps de Tacite, le latrocinium honestum comptait parmi les vertus guerrières de la Germanie.

La surprise de Ham fut le premier exploit du mouvement offensif de la seconde armée du nord ; elle eut pour effet immédiat d’intercepter les communications de Manteuffel avec Reims, et de couper le chemin de fer entre Tergnier, Amiens et la Normandie. Le surlendemain, un bataillon du 75e enlevait, sur la route de La Fère, avec son escorte de 138 hommes un convoi de trente voitures remplies d’objets volés à Compiègne. Les officiers, qui suivaient le convoi en omnibus, furent priés de descendre, ce qu’ils firent de bonne grâce ; mais l’armée française ne tarda pas à s’éloigner, et la ville fut de nouveau occupée par l’ennemi. Au moindre prétexte, elle était frappée de lourdes contributions, et là comme partout, les procédés insultans des autorités allemandes blessèrent les esprits plus profondément encore que leurs exactions.

Albert n’a point, comme Ham, de château historique, mais il a une belle cascade, ce qui est beaucoup plus rare en Picardie, où l’on ne connaît, en fait de chutes d’eau, que les chutes de moulins et une grotte renommée par ses pétrifications ; c’est une résidence fort agréable pour les gens tranquilles qui aiment à ne voir