Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/831

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été combattre en Italie à la demande du pape Adrien Ier, car à cette époque le sacerdoce et l’empire se prêtaient un mutuel appui pour marcher ensemble à la conquête du monde. La butte qui portait le château prit le nom du royal captif ; elle s’appela au moyen âge mons Desiderii, et la ville qui a remplacé la prison carlovingienne s’appelle aujourd’hui Montdidier. Au milieu de l’immense morcellement territorial qui suivit la chute de la seconde dynastie, Montdidier eut des comtes particuliers qui relevaient des seigneurs du Vermandois et qui n’ont guère laissé que leurs noms et une pierre tombale en souvenir de leur passage sur cette terre. Comme les autres barons féodaux, ils se battaient avec leurs voisins et traitaient fort durement les hommes de leurs domaines. Ceux-ci, fatigués de la servitude, se placèrent sous la protection de Philippe-Auguste et lui demandèrent une charte de commune. Cette charte leur fut accordée moyennant une rente annuelle de 600 livres, ce qui équivaut à 28,000 francs environ de notre monnaie, car à cette date les impôts d’état n’existaient point encore, et les rois, quand ils avaient besoin d’argent, mettaient la liberté aux enchères, comme ils y ont mis plus tard les offices de judicature et de finance, et les honorables charges de vérificateurs aux empilemens de bois et de contrôleurs des perruques. Les habitans de la nouvelle commune acquittèrent avec leur sang la dette de la reconnaissance ; ils combattirent vaillamment à Bouvines, et ce fut l’un d’eux, Pierre Tristan, qui dégagea Philippe-Auguste au milieu de la mêlée, et le sauva en lui donnant son cheval. Au XIVe et au XVe siècle, l’histoire de Montdidier n’offre qu’une suite de désastres. Quelques chétives masures s’élevaient seules au milieu de ses ruines, et Louis XI eut un moment l’idée d’en raser les fortifications pour en faire une ville champêtre. Au siècle suivant, Montdidier eut encore à subir les malheurs de l’invasion : il fut pris et brûlé en 1523 par les Anglais et les impériaux ; ceux-ci, en 1636, se présentèrent de nouveau sous ses murs. La population tout entière prit les armes, et, pendant trente-quatre jours. que dura le blocus, elle tua 600 ou 700 hommes à l’ennemi et lui fit autant de prisonniers. Le maïeur Antoine de Févin avait pris pour devise : aut mors aut vita décora, et chacun avait répondu à son appel. Jean de Werth, qui commandait les Allemands, se retira en brûlant soixante-dix villages, car l’incendie à toutes les époques a été l’une des ressources de la stratégie germanique. Après la levée du siège, le maïeur et les échevins demandèrent une audience à Louis XIII pour lui rendre compte de leur conduite ; ce prince se leva pour les recevoir et se tint debout devant eux, ce qui était le plus grand honneur qu’un roi pût faire à ses sujets.

Montdidier ressentit vivement le contre-coup des agitations