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l’Hallue avec cent deux bouches à feu, dont trente-six du calibre 9 et soixante-six du calibre 8, tandis que chez nous les pièces de 4, d’une portée très inférieure, formaient les deux tiers de l’armement[1]. Daours, Querrieux et Pont-Noyelles étaient occupés par quelques faibles détachemens français ; au lieu de mettre ces villages en état de défense par des barricades et des créneaux percés dans les murs des maisons, comme les Prussiens ne manquaient jamais de le faire, on donna l’ordre aux soldats qui les occupaient de se replier de la vallée sur les hauteurs : l’ennemi s’y fortifia tout aussitôt, et pendant le combat on tenta vainement de les reprendre.

Après diverses attaques partielles où les Allemands essayèrent, sans y réussir, de déboucher du fond de la vallée, le général Manteuffel ordonna une attaque à fond sur notre centre, placé en face de Pont-Noyelles. L’élite de ses régimens, précédée d’une ligne de tirailleurs qui s’avançaient petit à petit, tantôt se levant, tantôt se couchant, marcha vers les hauteurs. Les Français de leur côté avaient garni leur front de troupes de ligne, en arrière desquelles se tenaient en réserve quelques bataillons de mobiles sur lesquels on pouvait compter ; les généraux et leur état-major, à cheval et le sabre à la main, s’étaient placés en tête des troupes, et le général Faidherbe, seul et sans escorte, galopait en avant des tirailleurs les plus avancés, donnant ses ordres, s’exposant comme le plus téméraire de ses soldats. Le moment était solennel ; 200 Allemands choisis parmi les plus braves avaient gravi les pentes en se dérobant derrière les talus d’un chemin creux ; tout à coup ils débouchèrent sur le plateau en poussant des hourrahs : les tambours français leur répondirent par le pas de charge. La compagnie de mobiles du capitaine d’Hauterive se lança sur eux en même temps que le 33e, et après une vigoureuse résistance ils furent écrasés jusqu’au dernier. Ceux qui les suivaient, craignant le même, sort, descendirent en fuyant dans la vallée. Nos soldats entrèrent à leur suite dans Pont-Noyelles, quelques-uns arrivèrent même jusqu’aux premières maisons de Querrieux ; mais, emportés par l’ardeur du succès, ils rompirent leurs rangs et vinrent se heurter contre des réserves prussiennes et des batteries qui les refoulèrent sur les pentes des collines. Ils remontèrent à la débandade sur le plateau, et l’ennemi marcha pour la seconde fois à l’attaque de nos positions. Le général du Bessol fit avancer une batterie de 12 dont le

  1. Nous avions quatre canons Armstrong d’une grande justesse et d’une très longue portée ; mais ils avaient à peine tiré quelques coups que les culasses ne fonctionnaient plus. On s’aperçut alors que c’étaient des pièces de rebut, comme un grand nombre des autres armes achetées à l’étranger. Ce sont ces canons Armstrong, dont les détonations se faisaient entendre à plus de 40 kilomètres, que l’on a pris dans le pays pour des pièces de marine.