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savoir quelles étaient les véritables dispositions de la Prusse ? On répugne à le croire. Le prince de Schwarzenberg n’avait pas besoin de ces misérables artifices ; il ne cachait pas sa pensée et devinait hardiment celle des autres. Ce n’était pas d’ailleurs chose si difficile de pénétrer les sentimens de Frédéric-Guillaume IV. On n’ignorait pas que, s’il désirait l’unité de l’Allemagne et la direction de cette unité par la Prusse, il était résolu à ne jamais faire aucun sacrifice à la politique révolutionnaire. Le prince de Schwarzenberg. n’avait donc qu’à donner un mot d’ordre aux souverains qui subissaient l’ascendant de l’Autriche, et ce mot d’ordre eût été naturellement le refus de se prêter aux combinaisons de Frédéric-Guillaume IV ; cela fait, il eût pu prédire à coup sûr que jamais et à aucun prix les politiques de Francfort n’amèneraient Frédéric-Guillaume à accepter des mains du parlement la couronne impériale. Le roi de Prusse au contraire avait peine à se rendre compte des sentimens du prince de Schwarzenberg. Il voyait, sous cette direction hautaine, s’exalter de jour en jour l’ardeur, l’ambition, l’arrogance de cette Autriche que l’année précédente il qualifiait de sénile. Du prince de Metternich au prince de Schwarzenberg, de la politique cauteleuse à la politique téméraire, certes la transformation était menaçante. Frédéric-Guillaume IV en éprouvait encore plus de surprise que d’inquiétude. Il s’étonnait de n’y rien comprendre. C’est pourquoi au mois de décembre 1848 il avait chargé son ambassadeur à Vienne, M. de Bernstorff, d’entrer en pourparlers avec le prince de Schwarzenberg au sujet de l’organisation de l’Allemagne. Lui-même il écrivait note sur note. Il combinait des arrangemens qu’il essayait de rendre agréables à l’Autriche. Il proposait par exemple que l’Autriche et la Prusse s’emparassent de la direction des affaires, qu’elles s’adjoignissent ensuite les rois, que les princes fussent appelés à leur tour ; ce congrès de princes allemands, congrès à trois degrés pour ainsi dire, examinerait les délibérations de l’assemblée nationale de Francfort, et se mettrait d’accord avec elle au moyen d’une chambre d’états (Staatenhaus) dont il nommerait les membres.

Les choses en étaient là quand M. de Bunsen arriva le 11 janvier 1849 à Potsdam. « J’y trouvai, dit-il, une lettre de bienvenue du roi, qui m’avait attendu deux jours à Potsdam, et qui m’invitait pour le soir à Charlottenbourg. La lettre était d’un ami, non sans une légère gronderie pourtant sur ce que j’avais parlé de ma démission dans une lettre précédente. J’allai à Charlottenbourg. Après le dîner, je suivis le roi dans son cabinet, et comme je voulais lui expliquer le sens de cette démission éventuelle, il me ferma la bouche en m’embrassant. Le roi me donna en présence du comte