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remèdes auxquels on ne se décide à recourir qu’après l’événement qui en a fait sentir la nécessité.

De même qu’elle a des crues exorbitantes, la Seine éprouve aussi des momens de sécheresse. Quand elle est en basses eaux, ce qui est fréquent, Paris s’en aperçoit à peine; mais les mariniers en souffrent et les cultivateurs du bassin tout entier s’en ressentent. L’année 1719 fut marquée, paraît-il, par une de ces pénuries extraordinaires, et les ingénieurs municipaux en profitèrent pour placer au pont de la Tournelle l’échelle qui sert encore à repérer les hauteurs du fleuve. Néanmoins il arrive fréquemment, surtout depuis le commencement du XIXe siècle, que le niveau de l’eau descend au-dessous du zéro fictif de cette échelle[1]. Le fait s’est produit neuf fois de 1800 à 1830, trois fois de 1830 à 1856, puis chaque été, sauf en 1860, pendant les neuf années suivantes. Il semblerait donc que nous avons traversé une période de sécheresse extrême. Il n’est pourtant pas tombé moins de pluie pendant ces années où l’eau manquait dans la Seine. Est-ce que le sol est devenu moins perméable, moins susceptible d’absorber les eaux pluviales et de les tenir en réserve? Ou bien ce phénomène est-il dû simplement à une mauvaise répartition des pluies entre les mois d’été et les mois d’hiver, ces derniers contribuant seuls, comme nous savons, à l’alimentation des sources? La question est indécise, quoique M. Belgrand penche en faveur de cette dernière explication.

Nous avons dit quelles sources alimentent le bassin de la Seine, quelle influence la nature du sol exerce sur le cours des eaux, comment varie le régime des ruisseaux et des rivières. Il s’agit de voir maintenant quel usage l’homme en fait et surtout quel usage il en ferait, s’il savait tirer le meilleur profit des forces vives que lui prodigue la nature.


III.

Il y a 7 millions d’habitans dans le bassin de la Seine ; leur santé dépend de la bonne ou mauvaise qualité des eaux employées à la boisson et aux usages domestiques. De plus l’eau courante est une force motrice qui coûte peu de chose en frais d’établissement et moins encore d’entretien. Enfin l’arrosage influe presque autant que les qualités intrinsèques du terrain sur la culture, sur les productions du sol. Voilà trois aspects sous lesquels il convient de considérer les eaux des sources, des rivières et du fleuve lui-même.

  1. Il existe au pont Royal une autre échelle dont le zéro est plus bas de 57 centimètres que celui du pont de la Tournelle et qui sert de repère unique depuis que le barrage écluse de la Monnaie a été construit : ce barrage a pour effet de relever en amont le niveau des eaux, et empêche que les observations du temps passé soient comparables à celles de nos jours.