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s’efforçaient seulement d’éviter les procédés violens et de concilier tous les droits.

À ce point de vue, le roi et l’assemblée de Francfort suivaient des routes absolument opposées. On sait qu’un des premiers actes du parlement de Francfort a été de constituer un pouvoir central provisoire, pouvoir un peu chimérique par le fait, mais placé, selon le droit du moment et selon la prétention des législateurs de l’assemblée, au-dessus de toutes les souverainetés de l’Allemagne. D’après la décision de l’assemblée, le représentant de ce pouvoir s’appelait le vicaire de l’empire. On était convenu de le choisir dans les rangs des familles souveraines, et le choix avait désigné un prince de la maison d’Autriche, l’archiduc Jean, le frère de celui qui, après avoir été le dernier empereur d’Allemagne sous le nom de François II, était devenu le premier empereur d’Autriche sous le nom de François Ier. Ce vicaire de l’empire, chef du pouvoir central provisoire, avait compris ses fonctions comme celles d’un souverain constitutionnel. Ayant à gouverner avec l’assemblée, il avait immédiatement pris dans la majorité un ministère responsable. Fort bien, tout cela est logique ; mais où donc se passent ces étranges aventures ? Est-ce dans un pays où une révolution vient de faire table rase, où les électeurs ont nommé des représentans, où les représentans ont nommé le chef de l’état ? La situation ressemble-t-elle à ce qui s’est produit chez nous après la guerre de 1870 ? L’assemblée nationale de Francfort a-t-elle nommé l’archiduc Jean vicaire de l’empire d’Allemagne, comme l’assemblée nationale de France a nommé M. Thiers d’abord, puis M. le maréchal de Mac-Mahon, présidens de la république ? Pas le moins du monde. Le pays où le vicaire de l’empire a été élu le 28 juin 1848, complimenté à Vienne le 5 juillet, installé à Francfort le 11, ce pays-là est en possession d’un ordre gouvernemental régulier que les révolutions de mars ont secoué sans le détruire. Il y a là une trentaine de souverainetés indépendantes les unes des autres, quoique réunies par le faible lien de la diète ; il y a un empereur, cinq rois, des grands-ducs, des ducs, des princes, des villes libres. C’est ici que la logique est en défaut. Le rôle du vicaire de l’empire vis-à-vis de l’assemblée de Francfort est celui d’un roi constitutionnel ; que sera-t-il à l’égard des souverains ? Le premier soin du ministère fut de régler cette question délicate, et il le fit avec une hardiesse singulière ; il décida que toutes les armées des diverses contrées de l’Allemagne prêteraient serment d’obéissance au vicaire de l’empire, et porteraient le drapeau allemand. Ainsi plus de drapeaux autrichien, prussien, saxon, hanovrien, wurtembergeois, etc., un seul drapeau, le drapeau rouge, noir et or, symbole de l’unité. Plus d’armée