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un total de 50 à 55 millions d’habitans, d’augmentation possible et en partie prochaine. Si l’accroissement n’avait d’autre limite que les moyens de nourriture, la Russie méridionale, avec ses champs de blé sans bornes, pourrait seule contenir des peuples innombrables ; mais dans notre civilisation le besoin de nourriture n’est point seul à régler les mouvemens de la population. L’augmentation modérée dans les terres mêmes qui donnent le plus d’excédant de grains permet d’espérer qu’en Russie la multiplication des hommes n’ira point, comme dans certaines contrées asiatiques, jusqu’aux limites de la faim. Le climat même de la Russie a des exigences qui tendent à borner le nombre de ses habitans, et les progrès de la civilisation auront une influence analogue en développant avec le bien-être les besoins de consommation du peuple russe.

Aux millions d’âmes que peut fournir à la Russie son territoire européen, ses possessions asiatiques en viendront ajouter d’autres. Là les calculs, n’ayant point les mêmes bases, ne sauraient avoir la même précision. Couvrant plus de 14 millions de kilomètres carrés, la Russie d’Asie est plus de deux fois et demie plus vaste que la Russie d’Europe, et dans ses trois grandes divisions, Transcaucasie, Asie centrale et Sibérie, elle ne contient pas 10 millions d’habitans. Ce n’est pas 1 par kilomètre, et le climat au nord, le sol au sud, destinent la plus grande partie de ces immenses espaces. à ne jamais dépasser cette moyenne qui signale de vrais déserts. Avec la place occupée par ses montagnes, la plus favorisée de ces trois divisions, la Transcaucasie, sera longtemps avant de doubler ses 2,500,000 âmes. Bien plus vaste et aujourd’hui à peine plus peuplée, l’Asie centrale est couverte de steppes de sable, entrecoupée de monticules également de sable et de plateaux pierreux. L’agriculture n’y rencontre que des oasis, comme celles où sont placées les capitales des khans tatars que la Russie réduit au vasselage. La seule zone du Turkestan qui paraisse susceptible d’un large développement est placée à son extrémité sud-est, au pied des hautes montagnes de l’Asie centrale, dont les eaux entretiennent la fécondité du sol. La colonisation russe trouvera un autre champ d’activité dans la vallée du fleuve Amour. Au nord de ce fleuve, en dehors des côtes voisines de la mer du Japon, la Sibérie orientale n’aura jamais d’autres habitans que des tribus de chasseurs ; mais entre l’Oural et l’Altaï, dans le bassin de l’Obi, la Sibérie occidentale offre à l’agriculture des terres magnifiques, comparables à celles des steppes fertiles, et qui après elles forment la région de tout l’empire qui promet aux tsars le pros grand contingentée population. Dans la Transcaucasie et dans le Turkestan, la Russie devra s’estimer heureuse si avant un siècle ou deux elle voit