Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/757

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tombent qu’au printemps et en automne. L’été, la terre, échauffée par un soleil d’Asie, cède toute son humidité à une atmosphère qui ne la lui restitue point : les nuages se maintiennent à une élévation qui ne permet pas à leurs vapeurs de se condenser en eau. On a vu dans certains districts de l’extrême sud des années entières, des périodes de dix-huit mois sans une goutte de pluie. La craie perméable qui le plus souvent forme le sous-sol de ces plaines absorbe leur humidité sans pouvoir la leur rendre en sources. Les différences de niveau sont si insignifiantes que, même dans les terrains les plus poreux, il ne se peut rassembler une quantité d’eau suffisante pour donner à fleur de terre des sources perpétuelles. Les ravins appelés bolka qui sillonnent le terrain uni de la steppe restent souvent à sec pendant la plus grande partie de l’année, comme les wadi du désert, et les ruisseaux qui coulent au fond de ces crevasses se trouvent fréquemment trop au-dessous des terres pour les pénétrer et en rafraîchir la végétation. Le manque d’eau en été est souvent tel que, dans beaucoup de villages des steppes, les paysans, faute de source ou de ruisseau, boivent la boue liquide des mares toutes noires de poussière où ils ont retenu les eaux du printemps. Après le manque de montagnes, le manque de forêts-est lui-même un grand obstacle à l’accumulation des eaux, comme à la croissance des arbres, qu’il laisse sans abri dans ces plaines ouvertes aux quatre vents. Que ce soit l’œuvre de l’homme ou de la nature, les contrées au nord du Font-Euxin et de la Caspienne ont été déboisées dès la plus haute antiquité, et leur nudité a eu une influence capitale sur l’histoire de la Russie et de l’Europe.

Cette zone, qui occupe la Russie méridionale, semble par sa latitude devoir jouir d’un climat plus tempéré que les polessia du nord : cela est vrai pour les anciennes provinces polonaises, mieux abritées par les forêts et plus voisines de l’Europe. Pour les autres régions, c’est tout différent. Le sud de la Russie est par excellence le pays du climat excessif, des saisons fortement contrastées. Il passe la même année par les froids du nord et les chaleurs du midi, subissant tour à tour la domination du pôle et de la Sibérie et celle de l’Asie centrale, des déserts de glace du nord et des déserts de sable du sud-est. Sur la latitude de Paris et de Venise, les contrées placées au nord de la Mer-Noire et de la Caspienne ont en janvier la température de Stockholm, en juillet celle de Madère. Deux saisons extrêmes s’y succèdent l’une à l’autre presque sans transition, le printemps et l’automne n’y durant que quelques semaines. Ces oppositions de saisons comme le manque d’humidité augmentent d’occident en orient, de l’Europe vers l’Asie. De l’ouest à l’est, les lignes isothermes présentent entre leur