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face de notre planète. Pour nous en tenir au bassin de la Seine, on peut citer certains endroits où des couches de 200 à 300 mètres d’épaisseur ont été enlevées par les torrens. Est-ce l’œuvre de rivières comparables à celles de nos jours qui y auraient travaillé des millions d’années, ou bien les cours d’eau de ces époques antédiluviennes étaient-ils infiniment plus puissans et plus impétueux ? L’une et l’autre hypothèse ont trouvé des défenseurs. En Angleterre, l’école moderne penche volontiers pour la première ; en France, M. Belgrand et les maîtres de la science géologique s’en tiennent de préférence à la seconde. Il importe peu. Le point principal est que l’on se rende bien compte de la grandeur de ces phénomènes sans trop s’arrêter à des explications qui ne sont pas étayées de preuves suffisantes.


II.

Ne remontons pas plus loin dans ce passé nébuleux qu’à l’époque où la France était habitée par le mammouth, le renne et les autres animaux de ce genre aujourd’hui disparus. L’homme vivait alors dans les cavernes et se servait d’outils en silex non polis. Il paraît certain que le bassin de la Seine avait des lois le même relief que maintenant, sauf que les rivières étaient plus larges et que les alluvions n’avaient pas encore nivelé le fond des vallées. On a découvert en effet dans les graviers anciens et dans les cavernes contemporaines de ces graviers l s’ossemens de ces animaux étranges et les ustensiles grossiers de nos sauvages ancêtres.

Or quelles sont les rivières qui conduisent à la mer les eaux de pluie de ce vaste bassin ? Il y en a quatre principales qui se réunissent un peu au-dessous de Paris pour ne plus former qu’un seul fleuve. Ce sont l’Yonne et ses nombreux affluens de la Bourgogne, la Haute-Seine grossie par l’Aube, la Marne et enfin l’Oise et l’Aisne. On observera sur la carte que l’Yonne, qui est en réalité le plus important de ces cours d’eau, coule presqu’en ligne droite depuis son origine en haut du Morvan, et que les autres décrivent des courbes dont la concavité est tournée vers le sud, en sorte qu’ils ne se rejoignent qu’après un long parcours, bien que leurs sources soient assez rapprochées. Un autre caractère d’une d’attention est que ces cours d’eau coupent tous à angle droit les couches successives de terrains, à travers lesquelles ils se sont à la longue ouvert un passage, tantôt large, tantôt étroit, suivant que le sol est plus ou moins mou. Ceci n’est point sans intérêt, car les crues, les inondations, les niveaux d’étiage, dépendent de la nature des terrains traversés. La variété géologique de notre sol apparaît ici comme un bienfait de la Providence. Un fleuve qui coulerait tout