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le sol est si fécond que l’industrie humaine l’a assaini depuis longtemps et rendu propre à toute culture. Au sud-est, à Gâtinais offre le même aspect, mais avec une culture moins perfectionnée. La Beauce, plus calcaire, est au contraire un pays sec, de même que les plaines du Valois, du Soissonnais et du Beauvaisis. Vers la limite occidentale du bassin, le pays de Caux, dont le sol argilo-sableux est naturellement drainé par un sous-sol crayeux, réunit les conditions les plus favorables à l’agriculture. A côté, le pays de Bray, dont le sommet est un îlot isolé du terrain jurassique, se distingue par de riches pâturages.

En tout pays, les terrains anciens sont riches en produits métallurgiques, tandis que les terrains de formation plus récente conviennent mieux à l’agriculture. Ces derniers occupent environ moitié du bassin que nous étudions ici, ce qui explique que les laboureurs prospèrent en cette région, que favorise d’ailleurs le voisinage d’une grande capitale. Même les sols ingrats, tels que ceux de la Champagne pouilleuse, ne restent pas improductifs.

Comme nous l’avons dit, toutes les couches géologiques sont légèrement inclinées vers Paris. Cette inclinaison, très faible en tant qu’il s’agit des bancs crétacés et tertiaires, — elle ne dépasse guère un degré de pente sur l’horizon, — est sans doute un effet lointain des mouvemens bien plus accusés qui soulevèrent en montagnes les terrains jurassiques dans l’est de la France. Ces couches successives sont au reste d’épaisseur assez inégale. La craie aurait, suivant M. Leymerie, 350 mètres de hauteur verticale; les argiles à meulières de la Brie n’ont guère moins; l’oolithe serait bien plus puissant. Ces évaluations présentent, on le comprend, beaucoup d’incertitude. Si l’on doit admettre que la craie d’abord, puis les bancs tertiaires ensuite, se sont déposés au fond d’un océan dont les vagues allaient battre les coteaux du Jura, bien des changemens, dont est malaisé de se rendre un compte exact, sont survenus depuis ce temps d’une prodigieuse antiquité. Toutefois un fait singulier s’observe en tous lieux : c’est que, sur le bord oriental de chaque couche, s’est formée une large excavation avec une falaise à pente raide. Ainsi le niveau moyen de la Brie est inférieur à celui de la Champagne crayeuse, et néanmoins on descend de Brie en Champagne par un escarpement très nettement accusé. Le même phénomène se présente quand on passe de la craie aux argiles tégulines qui lui font suite. Il semblerait que, longtemps avant les cours d’eau de l’époque actuelle, le sol avait été balayé, corrodé, raviné par de gigantesques torrens dont il ne reste plus d’autre souvenir.

Une remarque d’une application très générale doit trouver place ici. Il est facile de se convaincre que dans les temps passés les eaux ont accompli des travaux de déblaiement prodigieux à la sur-