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tsar blanc sous Azof. » Toutes les rivières du sud se sont émues, le Jaïk, et le Don, et le Volga, et le Dnieper.


« Comme un faucon lumineux vole dans la nuée, — l’esaoul des cosaques parcourt le Don — pour haranguer tous ses cosaques. — « Debout ! les braves, les bons compagnons ! — Prions le Seigneur Dieu — qu’il ne permette à la main du barbare — de frapper Pierre, le tsar blanc. — Debout ! amis, réveillez-vous ! — Sellez, amis, les chevaux rapides ! — Courons sous les murs d’Azof. — Allons ! nous renverserons la ville de fond en comble ; — nous aurons beaucoup d’argent, beaucoup d’or ; — nous remplirons jusqu’aux abords la caisse de guerre. » — « Oui, nous écouterons notre ataman, — nous l’écouterons, nous irons en campagne. — lui-même, l’aigle bleu-noir s’est éveillé, — lui-même, le tsar Pierre, s’est levé, — avec ses cosaques du Don, — avec ses Zaporogues. »


Les habitans des villes russes virent passer avec étonnement ces singuliers défenseurs de l’orthodoxie, les joyeux héros du Don, avides de butin et de plaisir, pour qui la guerre était une joie :


« Déjà sur la route, la large route, — allaient, chevauchaient les cosaques du Don, — les frères du Don au cours tranquille. — Déjà les cosaques avaient quitté Moscou ; — pourquoi l’un d’eux est-il resté ? — Il s’en va au château du Kremlin, — il ôte sa toque de zibeline noire, — il prie devant l’image du Sauveur, — il s’incline aux quatre points du ciel, — en particulier devant les conseillers municipaux du tsar. « Salut, ô vous, les conseillers du tsar ! — Donnez-moi de l’eau-de-vie pour cinq cents roubles, — et à mes compagnons pour mille roubles. » — Les conseillers s’entre-regardèrent : Y a-t-il jamais eu parmi nous un tel buveur ? — Comment en douter, frères ? c’est un cosaque du Don. — Comment en douter, frères ? c’est leur ataman. — On lui apporta de l’eau-de-vie tant qu’il en fallut. — Allons, buvez, enfans, buvez à vos souhaits. »


Mais la guerre n’était pas une joie pour tout le monde. Le cosaque y courait allègrement, le paysan s’y tramait en pleurant. Au fond, le Grand-Russe n’aime pas la guerre et n’a pas de goût pour l’état militaire. C’est malgré lui qu’on en fait un des meilleurs soldats du monde. Pour le serf du XVIIe siècle, le régiment apparaissait comme une aggravation de servitude. Il lui semblait affreux de s’arracher à son village, à sa famille, à ses amours, à sa cabane bien chaude en hiver, et de partir pour ces éternelles campagnes où le tsar infatigable fatiguait son peuple :


« Où passerons-nous le jour ? où dormirons-nous la nuit ? — Nous