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du bassin de la Seine. Si l’on veut suivre avec lui ce beau fleuve depuis le Morvan jusqu’au Havre, en compter les affluens, en rechercher les moindres sources dans les replis du sol, mesurer la pluie qui tombe, jauger les cours d’eau, sonder le terrain pour en apprécier les qualités diverses, on saura ce que l’homme peut faire de cette vaste superficie dont Paris est le centre géographique, quelles cultures il doit favoriser, quelles autres il fera mieux de négliger, ce qu’il faut craindre des sécheresses et des inondations, et dans quel sens enfin il convient de travailler pour que la population agglomérée dans treize ou quatorze départemens de la France atteigne le plus haut degré de prospérité matérielle. Rien ne serait plus utile que d’avoir un travail aussi complet et bien conçu pour les bassins de la Loire, du Rhône, de la Garonne; rien n’est plus propre à faire connaître les ressources d’un pays que cette sorte de géographie agricole et industrielle.


I.

Enclavé entre les bassins de la Meuse, de la Saône et de la Loire, le bassin de la Seine, très large vers ses sources et très étroit vers l’embouchure, mesure environ 400 kilomètres en long de Langres à la mer, à vol d’oiseau, et 250 kilomètres dans sa plus grande dimension transversale de Pithiviers à la frontière de Belgique. La surface en est de 78,650 kilomètres carrés, ce qui forme presque exactement la septième partie de la France. La chaîne granitique du Morvan, qui le ferme au sud-est, élève ses plus hauts sommets à 900 mètres au-dessus du niveau de la mer; les collines de la Côte-d’Or, du plateau de Langres et des Ardennes, qui dessinent à l’est le faîte de partage, atteignent au plus l’altitude de 600 mètres; sur les autres côtés, il n’est borné que par des relèvemens de très faible élévation. Entre le fleuve et le plateau qu’occupe la forêt d’Orléans, il n’y a qu’une soixantaine de mètres de différence de niveau. Le bassin de la Seine n’a donc pas de frontières naturelles, pour ainsi dire, sauf au sud-est : aussi ses limites ne furent-elles jamais, à aucune époque de notre histoire, des limites d’états ou de provinces. La Champagne et l’Ile-de-France y sont comprises en entier; la Bourgogne, la Lorraine, la Picardie, la Normandie, sont à cheval sur deux versans. Toute cette surface est singulièrement plate; on n’y rencontre pas d’alpes aux flancs déchirés, ni de sommets couverts de neige; des plateaux ondulés, des vallées larges ou étroites et toujours peu profondes, tel est l’aspect uniforme du pays. Le pittoresque y fait défaut; par compensation, il n’est guère de contrée au monde où l’on aperçoive moins de landes et de terrains en friche.