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L’histoire contemporaine étant généralement celle que l’on connaît le moins, la bataille du 27 novembre a occasionné de singulières confusions. Les Prussiens lui ont donné le nom d’Amiens, les Français celui de Villers-Bretonneux ou de Ducy ; il est résulté de là que d’une seule et même bataille quelques personnes en ont fait trois. Cependant les combats de Villers-Bretonneux et de Dury n’en ont été que les principaux épisodes, comme les combats de Cachy, de Gentelles, de Boves et de Longueau en ont été les épisodes accessoires. Commençons par Villers-Bretonneux, parce que c’est là que s’est porté le plus grand effort de l’armée ennemie.

Villers est le plus gros village de l’arrondissement d’Amiens ; il est situé dans une plaine faiblement ondulée qui n’offre sur aucun point une bonne position défensive. Il eût fallu, pour trouver cette position, se porter en tête des défilés qui donnent accès sur le plateau ; mais avec les forces dont il disposait, il était impossible au général du Bessol de garder ces défilés sérieusement : il dut se borner à élever deux petites redoutes dans la plaine et, aux abords de la tranchée du chemin de fer d’Amiens à Ham et du pont qui la traverse, un épaulement qui pouvait abriter deux compagnies ; c’est là que se passa le fort de l’action. Les Prussiens s’emparèrent deux fois de l’épaulement, et deux fois ils en furent chassés avec de grandes pertes. A la troisième attaque, un de leurs bataillons se jeta dans la tranchée pour arriver sans être aperçu sur nos troupes ; mais une compagnie de francs-tireurs couchée dans un pli de terrain avait vu le mouvement ; elle se leva tout à coup et ouvrit un feu roulant sur la colonne engagée entre les deux talus. En un instant, la voie fut couverte de morts et de blessés, et les fuyards, en remontant dans la plaine, jetèrent le trouble et l’hésitation dans les colonnes prussiennes qui s’avançaient résolument, — c’est une justice qu’il faut leur rendre, — sous le feu de notre batterie de 12, qui leur envoyait à 1,000 mètres des bordées de mitraille et ouvrait de larges trouées dans leurs rangs. Le général du Bessol, avec la sûreté de coup d’œil dont il a donné tant de preuves pendant la campagne, profita sur-le-champ du temps d’arrêt qui se produisait dans l’attaque ; il rallia les troupes qui se repliaient en désordre devant les masses ennemies, et les lança en avant. Au début du combat, il avait été fortement contusionné par une balle qui s’était arrêtée sur une pièce de 20 francs placée dans la poche de son gilet. Une seconde balle vint le frapper au moment où, le képi au bout de son épée, il se plaçait en avant de la charge. On l’emporta tout sanglant ; les soldats, électrisés par son exemple et jaloux de le venger, se précipitèrent sur l’ennemi, qui battit vivement en retraite en laissant deux canons derrière lui ; mais déjà nos pièces de 12 avaient cessé leur feu. Les pièces de 4 qui appuyaient la charge