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qu’il a constaté. A Cologne comme à Amiens, la région inférieure du chœur appartient au style ogival primitif, la région supérieure au style ogival secondaire, et dans les deux édifices l’entablement des bas côtés forme la démarcation des deux styles. Les deux plans se suivent de très près : même nombre de piliers, de travées, de contreforts, et lorsqu’ils s’écartent l’un de l’autre par le nombre des bas côtés, l’agencement reste encore le même. Ceci posé, il ne s’agissait plus que de comparer les dates de la fondation et de l’exécution des premiers travaux, — soit 1220 pour Amiens, 1248 pour Cologne. A cette première question s’en rattachait une autre plus importante : l’art ogival, dont la cathédrale allemande est la plus haute expression, est-il né en-deçà ou au-delà du Rhin ? Sur ce point encore, la réponse de M. de Verneilh ne peut laisser aucun doute. Ce savant archéologue prouve qu’au XIIIe siècle il existait en Allemagne une école française d’architecture ; il cite, entre autres exemples, l’abbé de Wimfen-en-Val, près d’Heidelberg, qui appela un architecte de Paris pour rebâtir son église, et le fit travailler dans le goût français, opere francigeno ; il prouve en outre que chaque fois que le plan de Cologne s’écarte d’Amiens, c’est pour s’inspirer de Beauvais ou de la Sainte-Chapelle, et il en conclut avec une irréfutable autorité que l’art ogival est né en France, et que l’Allemagne n’a fait que nous l’emprunter. On le sait au-delà du Rhin, et les généraux prussiens le savaient aussi quand ils prodiguaient aux Amiénois les menaces de bombardement, car, si l’on en juge par Strasbourg, la cathédrale picarde, la rivale de Cologne, était trop belle pour ne point tenter leurs artilleurs.


III. — SOUVENIRS HISTORIQUES. — LA LIGUE. — HERNAND TELLO. — ANNE D’AUTRICHE ET BUCKINGHAM. — CHABOT ET JOSEPH LE BON.

Sous le nom de Samarobriva, ce qui veut dire, suivant les étymologistes de l’école celtique, pont sur la Somme, Amiens, dans la Gaule indépendante, était la capitale des Ambiani, l’une des peuplades du Belgium. Vers l’an 277 avant notre ère, une partie de cette peuplade suivit Sigovèse en Orient et s’établit dans l’Asie-Mineure sur un territoire qui lui fut cédé par le roi Nicomède. Deux cent vingt ans plus tard, les Ambiani opposaient à César une résistance désespérée : ils furent vaincus, et dans le dernier combat qu’ils livrèrent aux légions romaines ils n’échappèrent à une destruction complète qu’en opposant à leurs vainqueurs un rempart de feu. César, après la défaite, mit une forte garnison dans Samarobriva, et Rome, qui façonnait le monde à son image, en fit en quelques années une cité latine. Les empereurs, depuis Antonin le Pieux jusqu’à Gratien, y firent de nombreux séjours ; ils