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avec quel art il a su faire croire à un ovale là où il n’y a qu’un maussade carré ! Il en est un peu de Notre-Dame de Moulins comme de ces jolies personnes qui plaisent par leur imperfection même, et pour qui l’irrégularité des traits n’est qu’un charme de plus. Elle est parfaite telle qu’elle est, et l’on n’y voudrait rien changer, même pour la compléter. Souhait inutile à l’heure présente, car cette cathédrale est en train de recevoir l’achèvement dont elle pouvait si bien se passer après l’avoir attendu plus de trois siècles. Dans quelques mois, un nouvel édifice se reliera à la vieille collégiale, dont il écrasera, je le crains bien, la délicate suavité sous la masse de sa haute nef et de ses deux énormes tours. Le plan adopté pour l’achèvement de la cathédrale de Moulins a soulevé des polémiques assez nombreuses et a été attaqué notamment avec beaucoup de vivacité par un dominicain, frère, si je ne me trompe, du principal libraire de la ville, le père Desrosiers. J’avoue que, sans prendre aucunement parti dans ces querelles locales, je me rangerais volontiers du côté du dominicain, et qu’il m’est difficile de comprendre comment la partie nouvelle de l’édifice se reliera à l’ancienne sans l’écraser et l’annihiler. Pourquoi d’ailleurs vouloir toujours tout compléter ? Je crois qu’en règle générale il serait sage de laisser inachevées les choses qui n’ont pu être terminées à temps. Il est des secrets d’harmonie, de justesse, d’heureuse proportion, qui se perdent à mesure que le temps marche, et que la science la plus profonde et l’érudition la plus minutieuse sont impuissantes à retrouver, et je crains bien que l’achèvement de la collégiale de Moulins soit un nouvel exemple de cette impuissance. Lorsque les années se seront écoulées et que les dates des diverses parties de l’édifice ainsi complété se seront effacées du souvenir, peut-être plus d’un visiteur aura-t-il besoin d’attention pour ne pas attribuer à cette nef et à ce porche, œuvres du XIXe siècle, la date la plus ancienne, et de renseignemens pour comprendre comment le chœur et l’abside les ont précédés de trois siècles et demi.

Des verrières de la renaissance, dont l’aspect n’offre pas trop de confusion malgré les atteintes du temps, garnissent les ouvertures des chapelles et les hautes fenêtres du chœur ; mais il y a entre elles des différences intéressantes. Celles du chœur trahissent, tant par l’ampleur des compositions qui sont consacrées à la Vierge que par la nature des ornemens, la renaissance italienne. Aux anges, pareils à des Cupidons antiques, aux guirlandes et aux colonnettes se mêlent les emblèmes princiers, le cerf ailé des ducs de Bourbon, la courroie enroulée en forme de serpent qui se mord la queue, la devise Espérance sortie du désastre d’Azincourt, et dont M. le duc d’Aumale, dans son discours de réception à l’Académie française,