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nir les débordemens. On fait remonter l’origine de ces travaux à Henri II d’Angleterre et même à Louis le Débonnaire; mais, si le roi René n’a pas le mérite d’en avoir conçu l’idée, il a du moins fait de son mieux pour les entretenir et les améliorer. A défaut d’ingénieurs des ponts et chaussées, il avait créé un ministre spécial uniquement chargé de surveiller les turcies, de protéger les habitans contre la cresture du fleuve, et l’on peut penser, d’après les instructions minutieuses adressées à ce fonctionnaire, que celui-ci ne s’endormait pas dans son bureau.

La publication de M. Lacoy de La Marche fait partie d’une série de documens édités par la Société de l’École des chartes, qui a rendu de si notables services à notre histoire nationale. Sous le rapport de la pureté des textes, des notes explicatives, de la mise en œuvre générale, l’auteur est à l’abri de toute critique. Grâce à une table fort exacte, on trouve tout de suite dans son livre ce que l’on y cherche, ce qui est un grand mérite, car on sait ce qu’il faut souvent perdre de temps, quand on fait des recherches historiques, pour mettre le doigt sur la page à laquelle on a besoin de recourir. Nous regrettons seulement que M. Lacoy de La Marche n’ait pas étendu davantage son introduction et donné à ses lecteurs une analyse plus complète des pièces que renferme le volume ; mais quelques-unes de ses notes font penser qu’il se propose de publier un travail d’ensemble sur le roi René, et on ne saurait trop l’engager à mener ce travail à bonne fin. Nous avons entendu répéter tant de fois qu’en fait d’érudition exacte et patiente les Allemands étaient nos maîtres, qu’il est bon de leur prouver que la vieille école des Baluze, des Du Gange, des Mabillon, des Fréret, des Bréquigny, a laissé des disciples qui la continuent dignement.


CH. LOUANDRE.


M. de Bérulle et les carmélites de France, par M. l’abbé Houssaye. Paris 1872.


En nous racontant la vie de M. de Bérulle, M. l’abbé Houssaye a écrit un livre d’histoire religieuse qui éclaire d’un nouveau jour les dernières années du XVIe siècle et les premières années du XVIIe. Le cardinal de Bérulle naquit dans l’une des grandes périodes de notre histoire nationale. « C’est celle, dit M. Houssaye, dont Henri IV commence et dont Richelieu achève la gloire. Depuis des siècles, on n’avait vu en ceux qui gouvernent tant de sagesse dans le conseil, de fermeté dans l’exécution, de persévérance dans les entreprises et, avec un éloignement invincible pour les aventures, un sentiment plus délicat et plus fin de la grandeur de la France. A l’ombre d’une autorité réparatrice, toutes choses renaissent et prennent un nouvel essor. » La société se transforme sans secousses; les mœurs s’adoucissent, un âge nouveau s’ouvre pour les arts et pour les lettres, — époque privilégiée dont Champagne a éternisé les grands hommes, où l’on put méditer les premiers écrits de Descartes et applaudir aux premiers accens de Corneille. Dans l’église, c’est