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et qui entretient avec la Hollande les relations les plus amicales, n’aurait jamais permis à son consul à Singapour d’encourager les résistances du royaume d’Atchin contre la domination néerlandaise. Il est vrai qu’en 1852 un sujet du sultan de ce petit royaume s’était rendu en France et y avait présenté ses hommages à l’empereur Napoléon; mais le gouvernement français, tout en recevant avec politesse le voyageur atchinois, ne lui avait attribué aucun rôle politique et l’avait pleinement édifié sur le caractère des rapports amicaux de la France et des Pays-Bas. En ce qui concerne le gouvernement français, il ne pouvait donc y avoir aucune espèce de doute; peut-être avait-on conçu quelques soupçons sur l’attitude d’autres puissances. Quoi qu’il en soit, dans le rapport du ministre le sultan d’Atchin était représenté comme ayant cherché à se ménager des intelligences au dehors ; il est possible qu’on ait attaché du prix à ne point paraître avoir été battu par des barbares, et à insinuer qu’une complicité étrangère avait pu seule les mettre en état d’opposer une si vigoureuse résistance.

Les nouvelles apportées par les malles des Indes ont complété ces informations. C’est le 22 mars que trois bâtimens de guerre jetaient l’ancre devant Atchin, et qu’une lettre du commissaire du gouvernement des Indes néerlandaises était envoyée au souverain qui réside dans cette ville. Le sultan fit une réponse évasive, et ne donna de garanties ni pour le présent ni pour l’avenir. En conséquence, la guerre fut déclarée le 26 mars par le commissaire hollandais; le 5 avril suivant, le corps expéditionnaire, comprenant 4,000 hommes, l49 chevaux, 16 canons, et soutenu par 8 navires de guerre, apparaissait en vue de l’ennemi. Cette promptitude contrastait avec le calme habituel au caractère néerlandais, et il avait fallu que le péril fût jugé bien pressant pour que les résolutions eussent été prises avec une activité si rapide. Arrivées en rade d’Atchin, les troupes furent accueillies par une grêle de balles qui partaient des deux forts élevés sur la côte. Le 8, elles s’emparaient du premier fort, et le lendemain le second était abandonné par les Atchinois. Le 12, les Hollandais marchaient sur le Kraton, enceinte carrée très étendue, entourée de murs, garnie de tours, et qui contient plusieurs esplanades et bâtimens séparés par des murs et des clôtures. Au centre du Kraton, qui est défendu par une mosquée et une forteresse garnie de canons l’une et l’autre, s’élève le palais du sultan, du haut duquel il se montre à son peuple dans les circonstances solennelles. Le 14, les troupes expéditionnaires prirent la mosquée, qui fut livrée aux flammes, et, encouragées par ce succès d’ailleurs très chaudement disputé, elles attaquèrent le lendemain la forteresse, mais elles y rencontrèrent une résistance acharnée, et ce fut là que fut tué le général Kohler. L’ennemi entretenait un feu croisé très habile et très meurtrier, il combattait avec l’énergie fanatique de la race musulmane, et se jetait sur les troupes hollandaises le coutelas à la main.