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système qui se traduit en ajournemens toutes les fois qu’il peut craindre une bouderie, une dissidence dans la majorité, ou qui n’aboutit dans les finances qu’à des expédiens comme ceux par lesquels M. Magne semble vouloir inaugurer son administration. M. Magne est sans nul doute un praticien habile, plein d’expérience, ayant le goût de l’ordre et de la clarté. Avec lui, on n’a point à craindre des révolutions d’économie politique, des combinaisons financières aventureuses. Il s’est trouvé dès son arrivée au pouvoir en face d’une situation difficile, cela n’est point douteux, en présence d’un budget dont tous les élémens n’étaient peut-être pas acceptables, d’autant plus que, même avec toutes les combinaisons présentées par le dernier gouvernement, l’équilibre restait toujours un problème. Dans les conditions nouvelles créées le 24 mai, il était facile de prévoir qu’on écarterait l’impôt sur les matières premières, qui était l’erreur d’une conviction aussi persévérante que malheureuse de M. Thiers, et qui d’ailleurs était bien loin de pouvoir produire les 93 millions qu’on en attendait. D’un autre côté, on avait négligé dans le budget une garantie d’intérêts pour les chemins de fer dépassant 30 millions. Enfin parmi les ressources nouvelles proposées par le dernier gouvernement et sujettes à contestation figurait au premier rang le rétablissement de 17 centimes supprimés autrefois sur la contribution foncière. Tout compte fait, tout défalqué, tout bien pesé, on allait se trouver avec un découvert assez considérable allant au-delà de 160 millions.

Comment M. Magne s’est-il proposé d’y faire face ? Son premier soin est de faire briller le séduisant mirage des économies ; 4O millions d’économies dont 23 millions sur le ministère de la guerre, c’est beaucoup Est-il bien sûr que ce qu’on semble économiser d’un côté on ne le dépense pas sous une autre forme ou un peu plus tard ? Toujours est-il que même, cette économie étant aussi réelle qu’elle est problématique, il resterait encore un déficit de près de 130 millions, et ce déficit, M. Magne, aidé en cela par le conseil suprême du commerce, proposerait de le couvrir par un système de droits d’accise sur les tissus fabriqués, sur la stéarine, sur la cristallerie, sur les porcelaines, plus une augmentation sur les droits d’enregistrement, et 10 millions de droit de timbre sur les journaux. On arriverait à un chiffre de 133 millions. Que décidera la commission du budget ? acceptera-t-elle les nouveaux impôts ? Voilà maintenant la question, qui est infiniment plus complexe qu’elle ne le paraît au premier abord. Ces droits d’accise, d’une perception difficile, ne ressembleront-ils pas à plusieurs autres impôts établis depuis deux ans, et qui sont pour le contribuable une charge considérable sans représenter pour le trésor un produit proportionnel ? Mais en dehors même de cette première difficulté, il y en a une autre plus grave : ce n’est là encore qu’un système d’expédiens partiels, incohé-