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shops qui semblent représenter assez exactement ce genre de travail, c’est-à-dire, aux termes du bill, « tous les établissemens où des femmes et des jeunes gens de moins de dix-huit ans auxquels l’état accorde une protection spéciale travaillent pour un patron. » Ici pourtant il avait fallu pour l’exercice de la surveillance transiger avec les coutumes. Les autorités locales étaient chargées de l’exécution de la loi et les inspecteurs de l’état avaient dû s’effacer devant des inspecteurs particuliers pris un peu au hasard et médiocrement payés. Les abus ne se sont pas fait attendre; il y a eu des plaintes, et le parlement en a été saisi; on a comparé les résultats entre l’inspection publique et l’inspection privée; cette dernière paraît avoir été condamnée. Il semble décidé que l’exécution des lois protectrices ne souffrira plus de disparates, qu’elle sera confiée aux mêmes personnes et retirée aux autorités locales, qui se sont montrées incapables d’y veiller.

Voilà du moins une chambre qui a quelque souci de ses prérogatives et ne recule devant aucune des difficultés de sa tâche. S’agit-il de protéger les faibles, elle en vient à bout par le seul jeu des institutions, tant elle les manie avec souplesse et habileté. Les hommes de cette trempe ne se donnent pas à un maître; ils se suffisent et suffisent à tout. C’est sur eux que les docteurs d’Eisenach devraient prendre exemple pour introduire dans leurs lois sur les manufactures cette suite de sanctions qui ont amélioré la loi anglaise et en font aujourd’hui un code complet. C’est également à eux qu’ils devraient faire des emprunts pour pacifier les différends qu’occasionne le règlement des salaires, et qui sont pour les parties en présence un dommage sans compensation. L’Allemagne n’a encore à choisir, dans le cours de ces incidens, grèves, coalitions, suspensions de travail, qu’entre les violences de Lasalle et les tempéramens de Schultze-Delitsch. Longtemps aussi l’Angleterre n’y opposa qu’une arme, celle du talion ; à la désertion des ateliers, elle répondait par le congédiement forcé des ouvriers. De part et d’autre, on allait ainsi au pire jusqu’à ce que, de guerre lasse, vainqueurs et vaincus en vinssent à une capitulation onéreuse pour tous les deux. Dieu sait quelle somme de temps er. d’arg nt s’est ainsi dépensée, et chaque jour se dépense encore ! Un moment arrive toujours dans ces conflits de classes où les débats d’intérêt se changent en débats de vanité, les plus acharnés et les plus implacables de tous.

S’est-il produit là-dessus à Eisenach quelque idée nouvelle, quelque moyen de conciliation doué de quelque venu? Nullement. La conférence déclare, il est vrai, que la liberté des coalitions est désormais hors d’atteinte; mais, quand il s’agit de définir la coalition