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de ses responsabilités. L’ouvrier comme individu ou les ouvriers comme groupe auront un jour à pourvoir eux-mêmes à leurs arrangemens sans que l’état ait à intervenir autrement que pour déférer aux tribunaux tout ce qui peut ressembler à des violences ou à des sévices.

C’est du reste l’instinct profond des ouvriers de tous les pays et de toutes les branches d’industrie de ne s’en remettre désormais à personne pour régler le prix de leur travail; ils ne comptent plus que sur eux-mêmes. Là où l’état s’impose soit par des pressions indirectes, soit par des injonctions directes, ils se résignent, sauf à prendre leur revanche quand ils en trouvent l’occasion. On s’en convaincra mieux en passant en revue les questions qu’ont successivement posées les conférences d’Eisenach et les développemens que leur ont donnés les orateurs. Ils tiennent pour acquises les concessions que la loi et la coutume ont accordées aux ouvriers, c’est là probablement ce que l’on nomme le socialisme des hommes de la chaire; mais s’agit-il de conclure, ces concessions s’anéantissent par des corrections contradictoires, et ce socialisme aboutit à une sorte d’effacement administratif. Il n’est pas de droit qui ne cède quand le nom de l’empereur se met de la partie. C’est dans cet esprit qu’on a examiné la loi sur le travail dans les manufactures, les ligues d’ouvriers et les grèves qui en sont la suite, tout ce qui se rattache au prix du salaire et à la durée de la journée, les divers modes des règlemens et la nature des rapports avec les patrons. Un fait à remarquer, c’est que l’Allemagne, qui dans plusieurs sciences a fait preuve d’originalité, n’a pas de science propre en économie politique. Tous ces problèmes que nous venons de rappeler sont ceux que l’Angleterre a depuis le début de ce siècle mis en circulation et dans une certaine mesure a fait pénétrer dans les lois et dans les mœurs. L’Allemagne en est encore à les agiter spéculativement, et, tout en raillant l’école de Manchester, elle lui emprunte toutes ses formules.

C’est le professeur Brentano qui, comme rapporteur, a résumé le débat sur le travail dans les manufactures. Naturellement c’est surtout de l’emploi des enfans qu’il s’est agi. Le professeur a tellement peur qu’on abuse d’eux qu’à peine promet-il que l’on en use. Voilà l’écueil ordinaire de ces sortes de discussions, quand elles se passent entre hommes qui n’ont pas mis la main à l’œuvre, cherchent surtout l’effet et veulent se distinguer par des excès de zèle. La déclamation se met alors de la partie et nuit aux causes que l’on prétend servir. Ce qui frappe dans le rapport de M. Brentano, c’est un luxe de précautions pour que l’enfant sous aucun prétexte ne soit distrait de l’école, et que la manufacture lui prenne le moins