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lée à cette époque ne représente donc qu’un travail régulier de 10 tonneau-mètres par seconde, — à peu près 130 chevaux-vapeur. Toutefois n’oublions pas que la force requise pour lancer des boulets coûte beaucoup plus cher que les forces ouvrières.

Comment et pourquoi certains corps sont-ils explosifs? Comment mesurer l’énergie latente contenue dans la profondeur de leur substance, et qui sera, le cas échéant, mise en œuvre par les atomes, ces « géans déguisés, » comme les appelle un célèbre physicien? L’explosion a pour cause prochaine l’expansion des gaz qui sont mis en liberté par la décomposition de la matière détonante, et qui cherchent une issue. Le pouvoir expansif de cas gaz sera nécessairement proportionnel à leur masse et à la chaleur dégagée dans la réaction : plus ils seront abondans, plus ils se trouveront à l’étroit dans l’espace fermé où on les fera naître; plus la température s’élèvera, plus elle fera augmenter la tension. La masse des produits gazeux dépend de la constitution chimique du corps explosif: 1 kilogramme de poudre développe 200 litres de gaz, 1 kilogramme de nitroglycérine plus de 800[1]. La quantité de chaleur qui naît de la combustion représente une partie des énergies concentrées dans les ingrédiens du mélange explosif le jour où ils ont été fabriqués. La formation du salpêtre, de la nitroglycérine, du fulmi-coton, du picrate de potasse, a exigé une certaine dépense de travail moléculaire depuis les premières combinaisons d’élémens simples qui entrent dans la constitution du corps jusqu’à l’achèvement définitif du produit : c’est une mise de fonds qui se retrouve au moment décisif. Pour river ensemble les atomes d’azote, d’oxygène, de potassium, qui forment le salpêtre, les affinités ont dû accomplir un travail mécanique, bander pour ainsi dire un nombre infini de petits ressorts, qui se redressent dans l’acte de la combustion et rendent sous forme de chaleur une partie de l’énergie qu’ils tenaient en réserve. Plus la tension intérieure sera grande et plus l’éruption sera violente; vienne un choc ou une étincelle qui coupe les liens des atomes accouplés, aussitôt tout s’écroule, les gaz comprimés se déchaînent impétueux comme les vents enfermés par Éole, et les scories qu’ils abandonnent sont brûlantes comme la lave d’un volcan.

Les belles recherches de M. Berthelot sur les matières explosives ont beaucoup contribué à éclaircir ce côté de la question. Pour juger a priori de la puissance de tel ou tel composé, voici comment il procède. Passant de la formule chimique de la matière donnée à celle des produits de la combustion, que l’on peut généralement

  1. On suppose ici les gaz ramenés à zéro degré et à la pression atmosphérique.