Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il possède et la mesure de l’effort qu’il peut fournir. Il pourrait par exemple, lancé verticalement, s’élever lui-même à la hauteur de 4,600 mètres, si la résistance de l’air ne l’arrêtait pas en route bien avant cette limite; tiré contre un but, il exercera des efforts de pénétration proportionnés à son capital d’énergie.

La théorie mécanique de la chaleur est venue éclairer ces sortes de problèmes d’un jour tout nouveau. Nous savons désormais que la quantité de chaleur représentée par une calorie, si elle est convertie en travail, équivaut à 425 kilogrammètres. La chaleur développée par un combustible quelconque peut donc s’évaluer en unités de travail : on obtient ainsi ce qu’on nomme le potentiel du combustible. En admettant qu’un kilogramme de poudre dégage de 600 à 700 calories, on trouve pour la poudre un potentiel compris entre 250 et 300 tonneau-mètres[1]. Le potentiel de la houille est 3,000, — c’est au moins dix fois celui de la poudre. Ces chiffres ne donneraient pourtant qu’une idée fort inexacte de l’importance relative des effets mécaniques que l’on peut obtenir des bouches à feu et des machines à vapeur : pour les réduire à leur vraie valeur, il faut tenir compte du rendement de ces moteurs. C’est qu’il y a toujours loin de la théorie à la réalité. Le travail disponible sur l’arbre de la machine à vapeur n’est qu’une faible fraction du travail fourni par le combustible; le reste se perd en résistances vaincues, en frottemens, collisions, fuites, échauffement des organes, et en fin de compte les faux frais du travail ont absorbé quatre-vingt-dix et quelques centièmes de la force mise en œuvre. Il en résulte que le rendement effectif d’une machine à basse pression n’est guère que de 1 ou 2 pour 100, et les machines à haute pression, avec condensation et détente, ne fournissent encore que de 6 à 7 pour 100 de travail utile. Les 3,000 tonneau-mètres de la houille se réduisent ainsi dans la pratique à 200 au maximum. C’est ainsi qu’en toute entreprise humaine l’effet final est le plus souvent dans une disproportion misérable avec les moyens mis en œuvre. On s’ingénie, on s’agite, on prépare ses engins, — parturiunt montes! Pour la pondre, le rendement est plus avantageux : avec les meilleures bouches à feu, il est d’un cinquième ou même d’un quart (de 20 à 25 pour 100), de sorte que l’effet utile d’un kilogramme de poudre peut s’élever à 50 et à 75 tonneau-mètres[2]. En défi-

  1. Le tonneau-mètre représente 1,000 kilogrammètres; cette unité est plus commode lorsqu’il s’agit de chiffres élevés. D’après de nouvelles déterminations dues à M. Sarrau, la poudre de chasse fournirait jusqu’à 828, la poudre de guerre 769, la poudre de mine 555 calories, ce qui donnerait des potentiels de 358, de 329 et de 241 tonneau-mètres.
  2. En Italie, on a même obtenu, à la charge de 1/20» avec la poudre anglaise dite diamant, dans la carabine des bersagliers, un effet utile de 81 t.-m. Le coton-poudre a donné 124 t.-m.