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pareils[1]. On a enregistré ainsi des pressions qui dépassaient 5,000 atmosphères. Au centre de la culasse, le crusher accusait même jusqu’à 8,000 atmosphères; mais on ne doit voir là qu’un phénomène tout local, un effet irrégulier et exceptionnel. Assez souvent en effet, le tube intérieur en fer ou en acier qui forme l’âme de la pièce est graduellement affouillé par les gaz au point même où ces pressions maxima ont été observées, c’est-à-dire au centre du fond de l’âme; on y a constaté des érosions de plus de 6 centimètres.

La commission anglaise a fait l’essai comparatif d’une série de poudres à gros grains, parmi lesquelles la poudre R. L. G. (Rifle large grained), dont les grains irréguliers et très durs pèsent en moyenne 5 centigrammes, — la poudre pebble, à grains anguleux d’un noir brillant, d’un poids de 2 à 5 grammes, — la poudre pellet, à grains cylindriques en forme de pelote, pesant 5 grammes, — la poudre prismatique russe, dont chaque grain pèse environ 40 grammes. Dans le corps d’un canon de 8 pouces (20 cent.), on avait foré une série de canaux débouchant dans l’âme, par lesquels passaient des fils électriques en communication avec un chronoscope enregistreur; le boulet, en coupant les fils, télégraphiait lui-même son passage et le marquait sur le chronoscope. Ou obtenait ainsi l’image complète de la marche du boulet dans l’âme du canon : les espaces parcourus, les vitesses, et par un calcul fort simple les pressions. Rien n’est instructif comme les courbes qui résument les résultats de ces essais. On y voit la pression se développer presque instantanément et atteindre 4,690 atmosphères avec la poudre R.L. G. au bout de 1/50,000e de seconde, quand le projectile s’est à peine déplacé de 1 centimètre 1/2, pour décroître ensuite tout aussi brusquement. Pour la poudre pellet, le maximum est de 2,730 atmosphères et arrive après un parcours de 11 centimètres; — pour la poudre russe, de 3,230 atmosphères, après 15 centimètres; — pour la poudre pebble, de 2,420 atmosphères seulement, après 20 centimètres. C’est la poudre russe qui agit avec le plus de lenteur dans les premiers momens. Malgré ces différences si frappantes dans le mode d’impulsion, ces poudres finissent toutes par imprimer à des boulets de 80 kilogrammes des vitesses d’environ 400 mètres, les charges étant de 14 à 16 kilogrammes. Seulement la poudre pebble, la poudre-caillou, fournit ce résultat avec la moindre pression maximum, par suite avec le moins de fatigue pour l’arme; aussi

  1. Malheureusement les indications de ces instrumens sont loin de mériter toujours confiance : les expériences instituées au champ de tir de Gavre ont montré qu’elles peuvent varier d’un coup à l’autre de 500 ou 600 atmosphères.