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doubler le prix. Cette absurde mesure eut pour effet de fixer l’attention des chimistes sur un minerai très répandu, la pyrite, qui peut aussi servir à la fabrication de l’acide sulfurique; aujourd’hui on consomme en Europe chaque année 800,000 tonnes de pyrite, qui représentent 250,000 tonnes de soufre pur, — au moins autant qu’en fournit la Sicile. Aux environs d’Apt, dans le département de Vaucluse, et près de Florac, dans la Lozère, il existe des gisemens de soufre natif dont on ne tire aucun parti.


II.

Bien qu’elle ait pour elle un passé historique et cinq siècles d’habitude, la poudre à canon n’est pas exempte d’inconvéniens. Grâce au soufre qu’elle contient, elle produit une fumée âcre et malsaine, qui aveugle, qui attaque les poumons, qui gêne surtout dans les mines, où elle ne peut se dissiper que lentement. La poudre encrasse aussi l’âme du canon, d’où la nécessité du jeu ou vent, c’est-à-dire d’un calibre un peu plus fort que le diamètre du projectile. Ces résidus solides qui se présentent sous forme de fumée et de crasse prouvent que la combustion des élémens est incomplète. Enfin la force explosive de la poudre de mine ordinaire ne suffit pas à produire tous les effets qu’on voudrait obtenir : devant certains ouvrages, elle se montre impuissante. Aussi a-t-on cherché bien souvent des-mélanges qui possédassent la même énergie d’action, et qui pussent fournir des effets semblables, sinon supérieurs, à moins de frais, avec moins de lest inutile, et sans un nuage de fumée.

Dans la poudre noire, le charbon joue le rôle de combustible, le salpêtre celui de principe comburant : c’est un vrai magasin d’oxygène à l’état solide. L’oxygène qu’il fournit brûle le charbon et produit ainsi le gaz carbonique, auquel s’ajoute l’azote mis en liberté : ce sont là les gaz impulsifs de la poudre; reste la potasse, qui se combine au soufre et donne une scorie inerte. Il est évident que l’on peut obtenir des gaz impulsifs semblables par la combustion d’une foule de substances inflammables associées au salpêtre ou à tel autre agent oxydant. Berthollet proposa de substituer au salpêtre le chlorate de potasse ; sa poudre composée de chlorate, de soufre et de charbon dans les proportions de la poudre ordinaire, possède effectivement une puissance au moins double de la poudre au salpêtre, mais elle est trop brisante et détone trop facilement. On en fit l’essai à Essonnes au mois d’octobre 1788; à peine le pilon eut-il touché les matières qu’une explosion terrible brisa le mortier et tua plusieurs personnes. On conçoit qu’il ait