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tant de toutes parts, mit la France dans la nécessité de se procurer du salpêtre à tout prix. Le fameux décret de l’an II invite tous les citoyens à lessiver eux-mêmes les matériaux susceptibles de fournir du nitre, et on publie des instructions détaillées pour les fabricans improvisés. La fête du salpêtre célébra les résultats des premiers efforts. En une seule année, le nombre des ateliers monte à 6,000, et la production à 16 millions de livres; l’année suivante, elle est encore de 5 millions de livres. Il fallait alimenter les 19,000 bouches à feu en fer et en bronze fabriquées dans la seule année 1793. En l’an V, une organisation définitive régla l’industrie ainsi élargie : c’est là l’origine du service actuel des poudres et salpêtres, qui dépend du ministère de la guerre. A la paix, la reprise du commerce avec l’Inde, plus tard la découverte du nitrate de soude du Pérou, portèrent à l’industrie nationale des coups dont elle ne se releva plus; elle est morte de vieillesse. Le siège de Paris devait ranimer tous ces souvenirs. Au mois d’octobre, le comité scientifique présidé par M. Berthelot remit au gouvernement de la défense nationale un rapport sur les moyens d’extraire le salpêtre du sol parisien : il évaluait à quelques centaines de milliers de kilogrammes la quantité de nitrates qu’on pouvait ainsi obtenir, sans compter ce qu’on pourrait tirer des cendres, et il proposait d’organiser une récolte générale, proposition qui reçut un commencement d’exécution.

Des trois ingrédiens dont se compose la poudre, le charbon, s’il est le plus commun, est aussi celui dont la préparation exige le plus de soins, celui dont la qualité détermine la valeur du produit. Il faut qu’il soit sec, sonore, léger et poreux, très friable, qu’il laisse peu de cendre ; on l’obtient par une carbonisation lente, en vases clos, de bois blancs tel que l’osier, le saule, l’aulne, le coudrier et surtout la bourdaine. Ce n’est pas du carbone tout pur : le charbon de la poudre renferme beaucoup d’oxygène et d’hydrogène, à peu près dans les proportions de l’eau. — Le soufre nous vient des terres volcaniques, principalement de la Sicile, qui a le privilège d’en approvisionner l’Europe; ses deux cents mines produisent annuellement 250,000 tonnes de soufre brut. Les Romagnes et la Toscane fournissent à peine 4,000 tonnes; la solfatare de Pouzzoles est aujourd’hui abandonnée. En dehors de la fabrication de la poudre, le soufre est d’un si grand emploi dans tous les métiers que l’on pourrait juger du développement industriel d’un pays par sa consommation d’acide sulfurique. Il y a quarante ans, le roi de Naples Ferdinand II crut pouvoir profiter de cette situation pour rançonner l’Europe : toujours à court d’argent, il en vint à frapper l’exportation du soufre sicilien de droits qui allaient jusqu’à en