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pierre, qui se trouvent dans la vallée de la Somme comme dans les plaines, les débris les plus intéressans ont été extraits des tourbières. Ce sont des casse-têtes en forme de marteaux, percés au centre d’un trou circulaire, ce sont des haches fixées dans des cornes de cerf et garnies de leur manche, des tibias humains aiguisés en forme de lances, des flèches, des couteaux, de petites scies, des polissoirs, des bracelets, des colliers, le tout en pierre et en os, et surtout des figures de bois sculpté, dont la sauvage imperfection offre un spécimen accompli de l’art celtique dans sa période la plus rudimentaire. Le musée de Perthes n’est pas, tant s’en faut, le seul établissement qui recommande Abbeville à la curiosité des étrangers, toujours fort surpris de trouver tant de richesses de toute sorte accumulées dans une sous-préfecture qui compte à peine vingt mille habitans. La bibliothèque publique, aussi mal logée qu’elle est soigneusement entretenue par son conservateur, M. Marcotte, se compose de près de cinquante mille volumes, et ce qui en fait le prix, ce sont les collections spéciales léguées depuis une vingtaine d’années par des amateurs du pays, MM. le comte de Riencourt, Cordier, de Campenelle, comte de Clermont, de Cerisy, de La Motte, Levasseur. Il y a là pour l’ornithologie, la botanique, l’entomologie, une réunion de livres allemands, anglais, suédois, américains, les plus rares et les plus chers, que l’on chercherait vainement dans les bibliothèques de la capitale; la littérature de l’antiquité, celle du XVIIIe siècle, l’histoire héraldique et généalogique, y sont aussi représentées par des ouvrages de choix, reliés pour la plupart avec un grand luxe. Les manuscrits sont peu nombreux, mais il en est un dont les Abbevillois sont particulièrement fiers : c’est un livre d’évangiles, petit in-folio, écrit en lettres d’or sur vélin pourpre, et qui fut donné par Charlemagne à l’abbaye de Saint-Riquier en 801. Il est d’une conservation parfaite, et, d’après, le type des miniatures dont il est orné, on peut croire qu’il a été exécuté par des artistes grecs de l’école de Saint-Gall. — MM. de La Motte et de Cerisy ont légué en outre, l’un un magnifique musée ornithologique, l’autre une collection entomologique dont la réputation est européenne. La Société d’émulation de son côté a formé en 1833 un musée communal qui a pris depuis une véritable importance; il renferme, avec des antiquités et des objets du moyen âge trouvés dans la Picardie, une collection à peu près complète des animaux du pays, oiseaux, reptiles, mammifères. Une galerie de tableaux a été ouverte dans ces derniers temps, et l’on y remarque déjà quelques belles toiles : une marine de Vernet, un portrait de Greuze, et, ce que l’on ne s’attendrait guère à rencontrer sur les bords brumeux de la Somme, une sainte Thérèse par l’un des plus grands